Monday, August 28, 2023

La Citadelle et le Fort Gouraud


 Dimanche 18 octobre 1925.


Le quartier où je me rends (1) est, à vol d'oiseau, très proche du Mīdān, dont on voit distinctement les mosquées de ses terrasses, ainsi que les maisons de Šāġūr; on y a une vue particulièrement belle sur la Grande Mosquée et la ceinture des jardins qui entourent la ville. Vers quatre heures de l'après-midi, éclate une fusillade d'abord lointaine, aux confins du Mīdān. Elle redouble et, petit à petit, se rapproche, comme si elle envahissait graduellement le Mīdān Fōqāni.  

Bientôt, comme une étoffe qui brusquement se déchire, éclate le tac-tac pressé des mitrailleuses, puis la voix de basse bien connue des canons. Les gens du quartier sont comme nous aux terrasses, cherchant à deviner la raison de ce vacarme. Les drapeaux nationaux sont hâtivement hissés sur la faite des maisons où habitent des étrangers: italiens, anglais, américains pour la plupart. Le tac-tac continue, pressé, à l'entrée du Mīdān et vers Bāb al-Jābia. 

Le calme du soir est interrompu par le bruit des canons venant de la citadelle ainsi que du fort Gouraud. Nous essayons de situer et d'expliquer le combat; il semble se livrer au Sud-Est de la ville, de la grande Minoterie à la gare de Barāmka: ce serait alors au quartier Šāġūr, dont nous apercevons d'ici les plus hautes terrasses. Le canon tonne à intervalles rapprochés, Les obus se succèdent et, chaque fois qu'on entend le coup sourd de l'éclatement, une colonne de fumée jaunâtre jaillit et monte, menaçante. déjà deux, trois, quatre s'élèvent dans le crépuscule qui commence.          

                








(1) Bāb Tūma






Photo: Luigi Stironi 

Texte: Alice Poulleau. À Damas sous les bombes. Journal d'une Française pendant la révolte syrienne 1924 - 1926. Ed. Bretteville Frères, (Paris 1926).  

No comments:

Post a Comment