Wednesday, September 13, 2023

ʾAḥmad al-Hijri

 


 Pendant que la colonne pacifiait le Maqran sud, des événements importants se passaient à la capitale; l'un d'eux surtout fit sensation, c'est la venue à Soueida du chef de la religion druze au Jabal, le cheikh ʾAḥmad al-Hijri, actif soutien de la révolution jusque-là. 


Ne croyant plus au succès de l'insurrection et voulant probablement aider ceux qui l'ont organisée à sortir du mauvais pas dans lequel ils se sont mis, le cheikh religieux ʾAḥmad al-Hijri sollicita du commandant d'armes de Soueida l'autorisation de se présenter à lui, en qualité d'envoyé des chefs rebelles, pour prendre connaissance des conditions de soumission. "Personnellement, je suis prêt à me soumettre, disait-il dans sa lettre, mais seulement après avoir rendu compte de mon entrevue avec vous aux chefs insurgés qui m'ont délégué."       

La proposition acceptée, un sauf-conduit fut envoyé àʾ Aḥmad al-Hijri et le cheikh religieux se présenta le 6 juillet 1926 à Soueida. Il déclara tout de suite que les Maẓbaṭas (proclamations) encourageant les Druzes à la révolte, qui lui ont été attribuées, ne sont pas de lui, mais bien des chefs de guerre eux-mêmes. "Je me suis, au contraire, toujours employé, affirma-t-il, à calmer les passions et si mes efforts n'ont pas été couronnés de succès, c'est qu'ils se sont heurtés à des influences plus fortes que la mienne; un peuple travaillé comme les Druzes l'ont été et le sont encore par les puissants du jour, n'écoute plus guère la religion, surtout lorsqu'il est sûr de l'impunité pour le mal qu'il peut commettre."        

Quant à ses rapports avec les chefs insurgés, ʾAḥmad al-Hijri ne les nia pas, mais fit remarquer qu'étroitement surveillé, il ne pouvait se dresser contre eux, car on l'aurait peut-être emprisonné. "Mon action, affirma-t-il à nouveau, s'est toujours exercée dans le sens de l'apaisement."      

"Vous pouvez vous en rendre compte, répliqua le colonel, lorsque vous visiterez les familles revenues à Soueida, comment elles sont traitées par nous; vous aurez toute liberté pour communiquer avec elles et aussi avec les trois cheikhs religieux, vos collègues, soumis depuis longtemps. Vous reconnaîtrez sans doute toute l'ignominie des bruits infâmes que les chefs de la révolte ont répandu sur la conduite de nos soldats. Vous observerez que les femmes circulent librement, sans que jamais personne ne leur manque de respect; vous verrez aussi les médecins français se dévouer pour les malades druzes et particulièrement pour les enfants, lesquels souffrent davantage que les grandes personnes de la misère amenée dans les foyers par la révolution."       

ʾAḥmad al-Hijri remercia et chercha à savoir, et c'était là probablement le but de sa visite, quel serait le sort de Sulṭān et de certains autres meneurs de la révolte, au cas où ils feraient leur soumission. Le colonel répondit avec prudence, sans prendre aucun engagement, car si le pardon doit être largement accordé à beaucoup, il ne saurait l'être à Sulṭān al-ʾAṭraš, assassin du lieutenant Bouxin et massacreur de nos soldats à Kafr et à Mazraʿa. Ce grand criminel est et sera toujours pour nous indésirable au Jabal; il y a de notre prestige en pays druze et notre honneur en Syrie.     

Le cheikh ʾAḥmad al-Hijri comprit la nuance et n'insista pas. il déclara qu'il allait se rendre a Šaqqa شقّا en pays ʿĀmir عامر, pour mettre les cheikhs insurgés au courant de son voyage et essayer de les persuader qu'il faut cesser la lutte et collaborer avec la France, afin de chasser la misère qui entre de plus en plus dans les foyers druzes. Puis il partit en assurant le colonel de sa soumission prochaine. 








Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.


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