Wednesday, June 28, 2023

La défaite de Mazraʿa

 


 Après son facile succès sur le petit et malheureux détachement Normand, Sulṭān al-ʾAṭraš triomphe; les Druzes voient en lui un grand homme de guerre; ils ne discutent plus ses appels à la vengeance de l'honneur druze, et c'est en masses qu'ils viennent se ranger à ses côtés. Ce féodal dispose bientôt de plusieurs milliers de cavaliers et de piétons, avec lesquels il se porte, le 28 juillet 1925, sur Soueida, où il investit dans la citadelle des troupes de la garnison: un bataillon de tirailleurs algériens, un peloton de spahis, le service des renseignements et l'officier gouverneur du Jabal. 


La situation est très grave et il faut de toute nécessité étouffer l'insurrection avant qu'elle ne soit générale.   

La Haut Commissaire charge le général Roger Michaud, son adjoint, de mettre sur pied une colonne et d'aller réprimer le soulèvement.  

Trois mille hommes environ sont rassemblés à la station d'ʾIzreʿ إزرع sur la voie ferrée Damas-Palestine; la cohésion est médiocre entre ces unités venues d'un peu partout; il faudrait disposer d'une quinzaine de jours pour les faire manœuvrer ensemble, leur inculquer la solidarité au combat et donner à l'ensemble la solidité qu'il n'a pas. 

Mais une garnison française est enfermée dans la citadelle de Soueida, tout commande d'aller la délivrer sans retard; ce sentiment bien naturel est le plus fort, et le 31 juillet la colonne du général Michaud quitte le camp d'ʾIzreʿ en direction de la capitale druze, par la seule route empierrée existant au Jabal, sur laquelle les camions chargés de vivres et de munitions passeront aisément. 

Cet itinéraire a l'inconvénient de se dérouler en montagne, dans une région tourmentée et rocheuse, où la marche des unités de protection est rendue pénible et où les flancs-gardes, ne pouvant voir au loin, doivent fouiller minutieusement le terrain pour déjouer les embuscades et les surprises tendues par l'adversaire.         

Et puis, c'est l'époque de fortes chaleurs, les hommes manquent d'entraînement, les attelages aussi et la colonne s'allonge plus qu'il ne le faudrait, ce qui rend ses flancs très vulnérables. Le convoi n'a pas fait dix kilomètres en territoire druze, qu'il est fortement attaqué et que le désordre se met dans le bataillon malgache préposé à sa garde.        

La colonne arrive toutefois au point d'eau de Mazraʿa, où elle bivouaque dans la nuit du premier au 2 août. Elle n'est qu'à dix kilomètres de Soueida, son objectif, mais elle juge ne pouvoir l'atteindre et l'ordre de la retraite est donné. 

Insuffisamment documenté, nous ne pouvons rien dire d'assez précis sur ce qui s'est passé à Mazraʿa; mais nous savons, par des officiers ayant pris part à l'expédition, que la retraite a dégénéré en déroute, que la panique s'est mise dans certaines unités, que nombre de soldats ont été ou tués ou massacrés, qu'un important matériel a été capturé par les Druzes, des canons notamment, et que cette malheureuse affaire a tourné en désastre. 

Échec aux conséquences lourdes pour la tranquillité de la Syrie. Coup dur à notre prestige!








Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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