Saturday, June 24, 2023

Assassinat du lieutenant Bouxin

 


 Au début de l'année 1922, l'officier conseiller du gouvernement druze apprend que l'un des bandits qui ont tiré sur la voiture du général Gouraud, en 1919, alors que le haut commissaire visitait la région de Qunayṭra, s'est réfugié à Qurayya قريّا dans la maison de Sulṭān al-ʾAṭraš. Ordre est donné à la gendarmerie de l'arrêter; l'opération se fait sans incident et le criminel est amené à la prison de Soueida. 


Sulṭān n'était pas chez lui au moment de l'arrestation; à son retour, il entre dans une grande colère et part immédiatement pour Soueida. Avec insolence, il réclame l'assassin à l'officier français, invoquant la loi druze de l'hospitalité, qui ne permet pas que l'on entre dans une maison quand le chef de famille est absent. C'est, proclame-t-il, une injure que la gendarmerie lui a faite, il demande réparation pour son honneur blessé.  

L'officier refuse de livrer le criminel et, pour éviter des complications possibles, téléphone à la garnison française de Darʿa pour demander l'envoi, à Soueida, d'un peloton d'auto-mitrailleuse en vue de transférer le coupable à la prison de Damas. 

André Bouxin

Le détachement part de Darʿa; mais, arrive au village d'al-ʾAṣlaḥa الأصلحة, à dix kilomètres de Soueida, les auto-mitrailleuses ne peuvent plus avancer, un barrage de grosses pierres interceptant la piste. Les servants descendent de voiture et commencent à dégager le passage lorsque, brusquement, ils sont assaillis par une trentaine d'individus armés. Le chef du détachement, le lieutenant Bouxin, est tué, plusieurs hommes sont blessés et les bandits, conduits par Sulṭān al-ʾAṭraš en personne, sautent à cheval, s'enfuient vers le sud et passent en Transjordanie le lendemain. 

L'attaque du détachement français et le meutre de son chef jette la Jabal en effervescence; deux clans s'opposent: celui des partisans de Sulṭān, acquis aux chérifiens et au panarabisme, et celui du gouverneur Salīm, fidèle au mandat français. 

L'émir, bouleversé par le crime commis par son cousin, et toujours calomnié par certains membres de sa famille, adresse au haut commissaire sa démission de gouverneur. Le général Gouraud ne l'accepte pas, et Salīm Pāša, devant la confiance que ne cessent de lui témoigner nos officiers, reprend les rênes gouvernementales, essaie et réussit, du moins en apparence, à ramener un peu de calme dans les esprits.





lieutenant André BouxinRéalisé en marbre blanc par le sculpteur Charles Georges Cassou (1925), ce monument funéraire domine le cimetière d'Aubenton.


Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

No comments:

Post a Comment