Thursday, June 8, 2023

Propagande anti-française

 


 En mai 1919, Faïçal rentre en Syrie et, à peine débarqué à Beyrouth, prononce, sans mesure aucune, des discours tendancieux où il proclame que "l'indépendance ne se donne pas, mais se prend", et que les Arabes doivent s'unir pour l'obtenir. 


A Damas, quartier général de l'armée arabe, l'émir est recueilli en vrai souverain; on le promène dans les rues sur un char traîné par huit chevaux richement harnachés; des arcs de triomphe sont dressés sur le parcours du cortège et Faïçal, grisé par cette somptueuse réception, va plus loin encore dans ses discours qu'à Beyrouth. Il affirme publiquement que "les Alliés ont reconnu l'indépendance de la Syrie, et qu'une Commission, émanant de la Conférence de la Paix, est en route pour confirmer le grand événement au peuple syrien". 

Sans plus tarder, d'ailleurs, l'émir agit en maître sous l'œil des Britanniques qui laissent faire. Il nomme des ministres, recrute en zone syrienne des soldats, qu'il incorpore dans son armée arabe, lève des impôts et, dans ses entretiens avec les Syriens, représente la France comme l'ennemie des musulmans, uniquement préoccupée de protéger les chrétiens. Les journaux, achetés par lui, annoncent que "si un jour les Français sont autorisés à conduire l'administration syrienne, les impôts augmenteront tellement que ce sera la ruine pour tous".

Faïçal s'entoure de personnalités connues pour leur francophobie: comme le docteur Chahbandar, dont nous aurons souvent à reparler. Il conseille aux nationalistes damascains d'organiser dans le pays des réunions pour y prêcher l'indépendance de la Syrie, y distribuer des cadeaux et promettre, en son nom, places et honneurs à ceux qui se déclareront contre la tutelle française. C'est alors que l'on voit se souder une entente entre les damascains extrémistes et les cheikhs druzes: Soltan el Atrache, Adel Arslan et Izzeddine Halabi, lesquels, plus tard, soulèveront leur pays contre nous. Le germe de l'insurrection druze de 1925 a été semé, sans conteste, à Damas en 1919 par Faïçal et son entourage. 

L'émir s'emploie à fond pour ruiner le prestige français; il confesse, à une personnalité européenne, qu'il saura bien "dégoûter la Syrie de la France et la France de la Syrie". Et de fait, à la propagande haineuse qu'il entretient si activement, il ajoute encore les sévices qu'il gratifie aux notables suspects d'amitié pour nous:

A Damas, l'émir Saïd, petit-fils d'Abd el-Kader, est acquis à la cause française; il jouit d'une grande considération et porte ombrage à Faïçal: celui-ci obtient des Britanniques que notre ami Saïd soit exilé en Palestine!

Propagande calomnieuse, mesures vexatoires, attitude violemment anti-française, redoublent d'intensité au moment où la Commission, envoyée par la Conférence de la Paix, débarque à Beyrouth. Si cette dernière trouve en Syrie une situation troublée et  les esprits montés contre le mandat français, nul doute qu'elle ne fasse pencher la balance du côté de l'indépendance. pensent les Chérifiens et espère le colonel Lawrence. La France sera ainsi mise devant le fait accompli et le projet du grand Empire arabe verra sa réalisation

Édouard Andréa




Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

No comments:

Post a Comment