Wednesday, June 7, 2023

La grande empire arabe du colonel Lawrence

 


 Dès 1915, l'Intelligence Service du Caire avait projeté de constituer un vaste Empire arabe unissant l'Égypte aux Indes par la perse. Le projet plaçait le roi Hussein, du Hedjaz, à la tête de cet immense État arabe, avec ses fils régnant sous son autorité, en Arabie, en Irak, en Syrie et en Palestine-Transjordanie. L'Empire acceptait l'influence anglaise à l'exclusion de tout autre et, de ce fait, l'Angleterre dominait de part et d'autre de la mer Rouge et sur les deux rives du golfe Persique.  


L'inspirateur de ce mouvement pan-arabe, l'archéologue Lawrence, colonel dans l'armée britannique, est aux côtés de l'émir Faïçal, fils du roi Hussein, lorsque les forces alliées anglo-franco-arabes, commandées par le général Allenby, font leur entrée à Damas, le 2 octobre 1918, après avoir écrasé l'armée ottomane. 

Cet anglais de grande classe, intelligent, actif et énergique, entreprend aussitôt de battre en brèche l'accord franco-britannique de mai 1916, lequel place la Syrie intérieure sous la tutelle de la France et empêche la réalisation du grand Empire arabe rêvé. Et alors cet homme, si remarquable par certains côtés, se livre contre l'alliée de son pays à des manœuvres à peine croyables, et dicte à son ami, l'émir Faïçal, la conduite que ce dernier poursuivra inlassablement contre nous, jusqu'à ce que le général Gouraud y mette fin, le 24 juillet 1920 en battant l'armée arabe à Meyssaloun.

Au début de 1919, le colonel Lawrence emmène l'émir à Paris pour que ce dernier expose les revendications hedjaziennes à la Conférence de la Paix. Le 6 février, Faïçal, accompagné du colonel qui lui sert d'interprète, comparaît devant la Conférence et demande qu'une grande nation, qu'il ne nomme pas, soit investie de la direction politique des anciens territoires ottomane, au sud d'une ligne, tirée d'Alexandrette sur la Méditerranée, à Djezireh ibn Omar sur le Tigre; le liban restant sous l'administration directe de la France. 

La démarche de l'émir ne tarde pas à être connue dans les milieux parisiens, et le Comité Central syrien, qui tient ses assises dans la capitale, déchaîne aussitôt une campagne de presse contre les prétentions chérifiennes, et déclare, notamment et énergiquement, que le peuple syrien, d'ancienne civilisation, ne saurait être sous une direction hedjazienne encore empreinte des coutumes sauvages des bédouins nomades. 

Revendications et protestations font du bruit dans les milieux politiques français; on s'étonne de ce qui se trame contre nos droits en Syrie, et la Conférence, alertée, décide, en mars 1919, d'envoyer au Levant une Commission interalliée pour y enquêter sur les mesures propres à donner satisfaction aux populations. 






Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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