Le Jabal ad-Durūz est un massif montagneux, situé à une centaine de kilomètres au sud de Damas, aux confins de la Syrie et de la Transjordanie; ce n'est pas de haute montagne, les sommets les plus élevés ne dépassent guère mille six cent mètres, alors que les plaines environnantes sont déjà à une altitude de sept cents à huit cents mètres.
C'est un haut plateau, d'environ cinquante kilomètres de large sur soixantes-dix de long, qui à l'ouest, s'épanouit en pente douce vers les plaines fertiles de Ḥōrān, se termine à l'est par un ressaut marqué sur le désert de laves du Ṣafa, va mourir au nord dans un autre champs de lave: le Lajāt, et s'abaisse graduellement au sud vers le désert transjordanien.
Massif isolé, essentiellement volcanique, amas de pierres noires et de scories vomies, à une époque lointaine, par des volcans aujourd'hui éteints, mais dont les cratères et les cônes sont à peine déformés. Les éruptions ont dû se succéder à de grands intervalles car, en se solidifiant, les coulées successives de laves se sont superposées en étages horizontaux, en gradins, sur lesquels pousse en été une herbe abondante que les troupeaux pâturent pendant les chaleurs, alors que dans les plaines aux alentours tout est brûlé par le soleil torride du Levant.
Dans sa partie nord-ouest, le jabal est d'un parcours très difficile; c'est le Lajāt, chaos de laves solidifiées aux anfractuosités profondes, aux couloirs nombreux, tortueux et étroits, sur lesquels s'ouvrent une infinité de grottes et de cavernes, formant autant de refuges pour les bandits, les persécutés et les révoltés. Il est à peu près impossible de faire évoluer, dans ce singulier pays, une troupe de quelque importance, car les routes y font défaut et la surprise est partout à craindre.
Les Druzes le savent bien; ils s'y sont souvent réfugiés autrefois, lorsqu'ils ne voulaient pas obtempérer aux ordres du sultan de Constantinople. Les troupes turques ne purent jamais les réduire, et nous-mêmes, au cours du dernier soulèvement, nous avons eu du mal à venir à bout des bandes retirées dans cette région si tourmentée.
Si le plateau druze est rocailleux, cela ne veut pas dire que son sol soit pauvre, bien au contraire; dans les vallons et les cuvettes, l'humus, provenant de la désagrégation des roches, s'est accumulé au cours des siècles; les cailloux, enlevés de la terre arable par les habitants, ont été entassés dans les endroits stériles, ou disposés en muraills le long des chemins. Les pluies d'hiver fertilisent intensément ce sol décapé, lequel, bien que peu profondément fouillé avec les charrues rudimentaires en usage, n'en produit pas moins de récoltes abondantes. Et ce pays, qui à première vue pourrait passer pour misérable, exporte vers Damas et la Palestine des céréales, des légumineuses, du raisin et même du bétail: moutons, chèvres et bœufs.
Il n'y a pas de forêt au jabal, car le Druze, comme l'Arabe, coupe les arbres, mais ne replante jamais; toutefois, en quelques endroits, des chênes nains et de peupliers forment de riantes taches vertes contrastant vivement avec l'aspect de nudité presque absolue qui frappe le voyageur partout ailleurs.
Pas de forêts, donc pas d'eau; et, en effet, sur cet immense plateaux, on ne rencontre que quelques maigres sources tarissant généralement en été, sauf un petit nombre, dont celle d'Aïn-Guiné qui, canalisée par notre génie militaire, alimente aujourd'hui la ville de Soueida.
Autour des villages, des citernes à ciel ouvert, dépressions naturelles du sol ou excavations creusées par l'homme, reçoivent les eaux des pluies, et c'est dans ces réservoirs appelés birkets que la population puise ce qui lui est nécessaire pour elle-même et pour le bétail; eau fortement souillée, dont les Européens ne doivent user qu'après stérilisation.
En été, les pluies faisant généralement défaut d'avril à novembre, et l'évaporation aidant, les villages se trouvent souvent sans eau; les troupeaux sont alors poussés dans la montagne vers les quelques sources non taries, et les indigènes, pour les besoins de leurs familles, organisent des caravanes de chameaux et d'ânes qui, une ou deux fois par semaine, vont chercher le précieux liquide souvent très loin.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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