Thursday, June 29, 2023

Après la bataille de Mazraʿa

 


 L'affaire de Mazraʿa a tout de suite une fâcheuse répercussion, même dans les coins les plus reculés du Jabal. Le succès de Sulṭān al-ʾAṭraš, d'il y a huit jours, à Kafr, sur un tout petit détachement français, n'avait pas remué les masses, mais sa nouvelle victoire sur une grosse colonne, armée de mitrailleuses et de canons, consacre son génie, enthousiasme tous les cœurs et le Jabal tout entier passe à la rébellion. 


En Transjordanie, le clan panarabe exulte; l'agitateur Šahbandar, l'émir druze libanais ʾArslān, le familiar du roi, Rašīd Ṭalīʿ, confèrent journellement. Le Jabal en révolte n'est qu'une partie de leur plan; Ils veulent davantage et ambitionnent de soulever toute la Syrie arabe; leurs émissaires agitent les grandes villes et surtout Damas, où il y a un foyer extrémiste important; ils stimulent la xénophobie des nationalistes, répandent de l'or à profusion et exploitent perfidement notre défaite. Le recrutement des rebelles est intensifiée; on fait appel à la lie de la population, aux repris de justice, aux meurt-la-faim si nombreux à Damas et aux bédouins nomades, toujours avides de pillages; des bandes importantes sont organisées dans les immenses jardins de la Ġūṭa, entourant la ville, dans un rayon de vingt kilomètres, où il est difficile d'aller les traquer.  

Cependant, il s'en faut que la population de Damas soit toute entière acquise au nationalisme; la majorité veut vivre en paix et les grandes familles savent bien que, sans la France, la Syrie sombrerait dans une épouvantable anarchie. La classe dirigeante reste donc fidèle au mandat français et les agitateurs ne sont écoutés que dans les quartiers où la misère est grande. Au Jabal, au contraire, toute la population est en insurrection; seul, le cheikh druze, Fāris Bey al-ʾAṭraš, oncle de Suṭān, reste fidèle à la France, mail il est obligé de quitter son village avec ses fils, et de se retirer à Darʿa, sous la protection de la garnison française.









Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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