Wednesday, December 14, 2022

Adonis-Dagon

 


 Par une coïncidence curieuse, le peintre de la synagogue avait sous les yeux à Doura, en face de l'édifice qu'il avait à décorer, un temple d'Adonis, à l'époque gréco-romaine, le dieu de la végétation, plus précisément le moisson, l'épi de blé lui-même. Notre artiste a dû s'inspirer de ce qu'il voyait; par là, il rendait son tableau singulièrement instructif, chacun pouvant reconnaître dans l'idole abattue par Yahvé, l'Adonis du temple voisin. Il faut songer qu'au moment des Adonies on entendait certainement jusque dans la synagogue les cris déchirants et les chants plaintifs des femmes pleurant le dieu, ce qu' Ézéchiel dépeint comme une des pires abominations aux yeux de Yahvé (Ézéchiel, VIII, 14). 

Ces observations vont nous aider à interpréter le tableau qui nous est parvenu. Le dieu que nous y voyons renversé, nous présente, en deux exemplaires, l'image d'un personnage juvénile, en costume barbare, perse ou syrien. La tunique aux manches longues et étroites, serrée par une ceinture à la taille, descend jusqu'au-dessous du genou. C'est une sorte d'ample chemise s'enfilant par la tête; par-dessous, un pantalon, bouffant au-dessus de la cheville, est pris dans une botte de cuir souple. Le manteau, jeté sur les épaules, est dans un des cas, au moins, fixé du côté droit de la poitrine par une fibule. Les cheveux bouffent légèrement à la mode perse. C'est ainsi que le peintre se représentait l'accoutrement populaire en Palestine; l'ensemble de ses peintures nous l'atteste. Ce costume diffère sensiblement du costume royal perse figuré cinq fois par le maître du registre III. Le jeune dieu tient de sa main droite levée une sorte de drapeau, dont la hampe est garnie d'une boule surmontée d'une pointe (fig 45 not scanned). De la main gauche, il serre une massue très longue, que nous considérerons ici comme une arme de chasse, le λαγωβόλυ, si nous voulons voir dans le dieu un Adonis. L'arme ne paraît pas être une épée, et le costume, du reste, n'a rien de militaire.






Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.


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