Thursday, March 21, 2024

Partage de la basilique de Damas: arguments: des arguments pour et contre

 


 On s'étonne que, dans un partage de la basilique, la partie orientale où se dressait l'autel ait été affectée aux musulmans, tandis que les chrétiens se maintenaient dans la partie occidentale. Mais comment ne voit-on pas que si cette dichotomie était inventée pour appuyer le soi-disant partage de la ville entre chrétiens et musulmans, on aurait tout naturellement affecté aux chrétiens la partie orientale du sanctuaire puisqu'ils se sont, depuis lors, groupés dans la partie orientale de la ville? Les contradictions qu'on relève dans les récits touchant la reddition de Damas tiennent à ce que certains auteurs ont tablé sur deux faits bien réels, mais non connexes: d'abord que les chrétiens occupaient la partie orientale de la ville, ensuite que la basilique de saint Jean-Baptiste servit pendant un certain temps aux deux cultes.


L'argument e silentio est constamment utilisé par le prince CaëtaniC'est à ce titre qu'il tient pour décisif le témoignage de l'évêque Arculf qui, visitant  Damas trente ans après l'occupation arabe, parle de la ville in qua Saracenorum rex adeptus ejus principatum regnat et ibidem in honorem sancli Johannis baptistae grandis fundata ecclesia est. Quaedam etiam Saracenorum ecclesia incredulorum et ipsa in eadem civitate, quam ipsi frequentant, fabricata est (1). Que prouve ce texte?  (2) Simplement qu 'Arculf n'a pas pénétré dans la mosquée et ne s'est pas exactement rendu compte des lieux. Il n'y a rien là de surprenant, car l'entrée de l'église par la cour et le transept offrant de graves inconvénients (3), il est vraisemblable que les chrétiens durent très rapidement aménager dans le mur sud et vers l'ouest la porte précédée de colonnes que les auteurs musulmans dénomment Bāb az-Ziyāda (porte de l'addition). Si Arculf a pénétré par cette porte, il ne s'est pas rendu compte que l'église de saint Jean avait formé jadis un seul corps de bâtiment avec la mosquée, puisqu'on avait accès à cette dernière par l'ancienne cour et l'ancien transept.

Si al-Balāḏuri, qui fournit le renseignement au neuvième siècle de notre ère, ne spécifie pas plus nettement que la mosquée était installée dans la moitié de l'ancienne basilique, c'est que tout le monde le savait de son temps. ibn ʿAsākir sera plus explicite parce qu'il s'attache à un exposé détaillé et que ses lecteurs étaient généralement moins bien informés. Le témoignage de al-Masʿūdi, si bref qu'il soit, est déjà très net. Parlant du temple de Jupiter Damascénien, il note: «Les chrétiens le convertirent en église; après la conquête musulmane, cette église fut convertie en mosquée et al-Walīd, fils d'ʿAbd al-Malik, la répara » Ainsi, une mosquée y est installée dès l'introduction de l'Islam à Damas et c'est seulement sous al-Walīd qu'une réfection importante fut entreprise.

Nous tenons donc pour historique que, jusqu'à al-Walīd, les musulmans prièrent dans la moitié orientale de la basilique.


 




(1) Où règne le roi des Sarrasins, ayant obtenu sa principauté, et là une grande église fut fondée en l'honneur de saint Jean-Baptiste. Une certaine église des Sarrasins incroyants fut également construite dans la même ville où ils fréquentaient.
(2) H. Lammens, la Syrie, I, p. 87, commente ainsi ce texte : «Il en ressort que sous Muʿāwiya les Sarrasins se contentaient à Damas d'une unique mosquée, modeste (quaedam), édifice construit pour eux, et non pas obtenu par un partage aux dépens de la basilique. » C'est peut-être faire dire beaucoup à ce texte.
(3) Cette entrée se faisait par le mur contre lequel s'appuyait l'autel.







No comments:

Post a Comment