Sunday, May 30, 2021

Mosquée al-Tawrīzī


Dans le quartier d'al-Qanawāt (Qabr ʿātikā), l'émir Ġars al-Dīn H̱alīl al-Tawrīzī, grand chambellan de Damas à partir de 1415 fit édifier un important complexe architectural comprenant une mosquée, une turba et un ḥammām. Construite la première, la turba était achevée lorsque débutèrent en 1420 les travaux de la mosquée. Celle-ci fut inaugurée peu avant ou peu après la mort du fondateur survenue en juin 1423.




Petite salle carrée accessible de l'intérieur de la mosquée par une porte ouverte sur le côté oriental, la turba est coiffée d'une coupole surhaussée portée par deux tambours appareillés de douze côtés chacun, le tambour inférieur percé de huit fenêtres, le tambour supérieur de douze. Ouverte sur la rue par une porte ménagée sous un arc trilobé, la mosquée, dont la façade est tout entière appareillée en assises noires et blanches, est constituée d'un hall couvert à bassin central qui tient lieu de cour - une caractéristique fréquente au Caire mais inhabituelle à Damas - et d'une salle de prière à trois vaisseaux parallèles au mur de la qibla dont la charpente prend appui sur deux arcades à trois baies chacune. Le minaret, indépendant de la mosquée dont il est séparé par la rue, est du même type que celui de la mosquée al-ʾAqṣāb. Daté par une inscription de 1423, il portait, à l'origine, un riche décor de céramique à motifs foliés blancs sur fond bleu dont quelques fragments sont encore en place. 

La mosquée et la turba, par contre, ont conservé presque intégralement leurs revêtements de céramiques qui confèrent au complexe de Tawrīzī une place inestimable dans l'ensemble des arts musulmanes. Des carreaux hexagonaux peints sous glaçure transparente incolore couvrent les parois inférieures de la turba sur une hauteur de trois mètres à partir du sol, ainsi que la base du mur de la qibla et du mur oriental de la salle de prière sur une hauteur de un mètre cinquante. Ceux de la turba dont les motifs floraux ou étoilés se détachent en bleu de cobalt sur fond blanc sont soigneusement associés par leurs sommets, les espaces intermédiaires étant remplis de petits triangles bleu turquoise. Ceux de la salle de prière, associés par leurs côtés, paraissent avoir été posés à la diable, certains donnant même l'impression d'être des fragments remployés. D'une grande spontanéité d'exécution,d'une foisonnante variété, leurs motifs, également détachés en bleu de cobalt sur fond blanc, trahissent une nette influence de répertoire iconographique chinois.

Issue à l'évidence des ateliers de Damas réactivés après le sac de Tamerlan afin de procéder sans délai à la restauration de la mosquée des Umayyādes, cette création originale, si éloignée de toute production standardisée, serait l'œuvre d'un certain Ġaybī al-Tawrīzī (originaire de Tabrīz), comme l'indique la signature tracée en petits caractères sur l'un des panneaux du mur de la qibla. Cet ensemble, en tous cas le plus important de cette période conservé in-situ - le nombre de carreaux dépasse mille trois cents - appartient à un véritable style "international" attesté dans divers édifices contemporains.

Outre les panneaux ou fragments conservés in-situ, de nombreux carreaux isolés très proches par la facture et les motifs de ceux de la mosquée Tawrīzī entrèrent à la fin du dix-neuvième siècle dans les collections des musées de Londres, New York, Berlin, et Copenhague. Bien que leur provenance ne soit pas connue avec certitude, ils pourraient avoir été utilisés comme revêtements muraux lors de la grande restauration de la mosquée des Umayyādes effectuée en 1419 sous le règne du sultan al-Muʾāyyad Šayẖ, avant de trouver leur chemin vers le marché de l'art après le grand incendie de 1893 qui laissa l'édifice à l'état de ruine. 



Gérard DegeorgeSyrie:  Art, Histoire, Architecture. Hermann, éditeurs des sciences et des arts 1983.  

Gérard DegeorgeDamas: Des Origines aux Mamluks. L'Harmattan 1997.

Gérard Degeorge. Damas, répertoire iconographique. L'Harmattan 2001.



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