Aussitôt que Zahlé est réduite, les massacres battent leur plein à Deir-el-Kamar, à Hasbaya, à Rachaya et à Damas. A part Deir-el-Kamar, où les victimes appartenaient moitié aux Melchites catholiques, moitié aux Maronites, ceux-ci n'eurent aucune perte d'homme à déplorer, car les Druzes, occupés ailleurs, n'eurent pas le temps de les attaquer avant le débarquement du corps expéditionnaire de secours français. Et pourtant la légende s'établit, en Europe, et surtout en France, pour proclamer que ce furent les Maronites qui furent massacrés; on connaît même ces cruels événements sous le nom de massacre des Maronites en 1860. Hélas! telles les individus, les communautés et les nations ont de la chance, ou n'en ont pas; les Melchites ont eu la déveine de voir leur sacrifice ignoré, et la pitié se détourner de leur cause, pourtant la plus belle. À Damas, on ne massacra que des Melchites catholiques et orthodoxes; à Zahlé, des Melchites catholiques et quelques orthodoxes; à Hasbaya et à Rachaya, des Melchites orthodoxes et quelques catholiques. Ce sont ces victimes qui soulevèrent la pitié universelle et occasionnèrent l'intervention de la France; ce sont elles qui, par leur sang, valurent au Liban son autonomie et ses privilèges. On n'en parle pas pourtant, parce qu'elles sont mortes bravement, et parce que les morts ont tort de mourir, quand ceux qu'ils laissent après eux ne parlent pas pour eux. Malin est celui qui élève sa voix le plus fort: il accapare à son profit le mérite d'autrui. Mais il est tout de même grand temps que la justice historique, celle qui recherche seulement la vérité, donne au moins le nom de "massacre des Chrétiens", et non des Maronites, aux événements de 1860 en Syrie. Les Maronites, nous en sommes certains, seront les premiers à reconnaître cette revendication tardive, mais juste.
Nadra Muṭrān. La Syrie de demain
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