Les enquêtes poursuivies à Damas nous ont montré qu'une vingtaine de bains sont désaffectés ou abandonnés depuis moins de trente ans. Dans les quartiers où ils subsistent leur activité est ralentie, le personnel réduit, et souvent le ḥammāmji, sa femme et ses enfants assurent à eux seuls le fonctionnement du bain.
Malgré le développement des salles de bain privées, à l'européenne, dans la vie des bourgeois arabes, le ḥammām reste pour le peuple la seule possibilité d'hygiène. Cependant, si une réforme urgente ne survient pas, tous les bains de Damas auront disparu avant vingt ans.
Pour subsister, les bains doivent avant tout subir une transformation radicale de leur alimentation, que les exploitants, nous l'avons vu, ne peuvent assumer. Elle doit donc être prise en charge par la municipalité ou par l'État.
Deux solutions se présentent:
Ou les pouvoirs publics, se plaçant au seul point de vue de l'hygiène sociale, laissent disparaître les anciens bains tout en s'efforçant de les remplacer à une cadence légèrement supérieure à celle de leur disparition; ou ils maintiennent les bains en y faisant apporter les modifications exigées par le temps.
La seconde solution nous semble la seule désirable: les modifications nécessaires porteraient avant tout sur l'alimentation du bain en eau de source, indispensable à l'hygiène sociale. Dans certains cas, il faudrait aussi prévoir quelques transformations de plan permettant d'adjoindre au bain de vapeur, de petites piscines.
Ces travaux seraient entrepris à titre d'essai dans quelques bains choisis dans la ville pour leur emplacement dans les quartiers populeux et pour leur valeur archéologique, laquelle correspond d'ailleurs presque toujours à un plan bien conçu. Ces bains deviendraient propriété municipale. L'État y ferait les travaux de conservation nécessités par leur intérêt archéologique, la municipalité se chargerait de leur alimentation en eau de Fīja et confierait la gérance du bain à une famille de ḥammāmji après avoir fixé les conditions et les tarifs d'exploitation.
Il est évident, en outre, que toute transformation de plan, tout aménagement de piscine devront être étudiés par les services archéologiques en liaison avec la municipalité afin de ne pas nuire à l'intégrité du monument. Ainsi les bâtiments eux-mêmes, dont la seule valeur archéologique suffirait à exiger la conservation, garderont, entretenus et restaurés, toute leur utilité.
Les bains, qui faisaient partie intégrante de la vie du peuple damasquain jusqu'au début de ce siècle, correspondent toujours aux mœurs et aux habitudes de la population. C'est donc une double nécessité qu'ils subsistent, non comme des monuments vides, mais comme des lieux toujours vivants.
Michel Écochard & Claude Le Coeur. Les Bains de Damas : Monographies architecturales. Imprimerie catholique 1942-1943.
No comments:
Post a Comment