Comme l'avait prévu M. Écochard, la présence et l'activité ancestrales du ḥammām devaient difficilement résister à la construction de logements modernes, répondant à des habitudes de vie et d'hygiène différentes; le bain public survit donc lorsque se réalise l'une au moins des conditions suivantes:
- maintien provisoire d'un cadre de vie imposant certaines coutumes anciennes, qui trouvent leur explication dans ce cadre. Nous songeons en premier lieu aux vieilles demeures insuffisamment pourvues d'installations balnéaires, mais aussi à l'extrême densité de l'habitat, à l'étroite familiarité entre voisins, au rythme collectif de la prière et du travail. C'est naturellement le cas des quartiers les plus anciens, enserrés dans les remparts (ʿAmāra, Qaymarīya, Bāb Tūma et même encore Šāġūr) ou de contexture trop étroite pour être reconstruits - sinon intégralement (Sūq Ṣārūja). C'est donc là, non moins naturellement, que se sont conservés les bains les plus anciens, restés en fonctionnement depuis l'origine tel l'antique bain al-Malik aẓ-Ẓāhir: il est frappant de remarquer qu'à part le cas (unique) du ḥammām al-Buzūrīya, tous les bains antérieurs au quatorzième siècle qui se trouvaient en service en 1936 le sont encore aujourd'hui;
- relative stagnation d'un quartier dont le centre économique de la ville s'éloigne et que n'avoisine aucune grande voie de transit. C'est le cas des quartiers qui furent résidentiels au quinzième siècle et sous les Ottomans (partie méridionale de Qanawāt, Suwayqa) d'où en particulier la survie du ḥammām at-Tayrūzi. La contre-épreuve est la disparition des bains du quinzième siècle et de la période turque situés dans des quartiers au passé similaire, mais transformés par le déplacement du centre vers le Nord (d'où la destruction du bain d'al-Ḥājib) ou par l'animation d'une grande artère (fermeture du bain al-Jisr, disparition des ḥammāms al-Malika et as-Sinānīya.
- ou enfin, échanges nombreux et incessants avec une population conservant davantage ses habitudes traditionnelles: c'est le cas du Mīdān, Le double rôle de voie de passage et d'entrepôt constamment joué par ce quartier rend compte de la grande diversité d'époque de ses bains, dont la conservation doit assez peu aux facteurs précédemment décrits.
Bains nombreux encore, conservation toute particulière des plus anciens, état moins satisfaisant des ḥammāms désaffectés, telle est la situation si l'on considère les monuments pour eux-mêmes. Habitude encore bien vivante dans les milieux populaires, mais pour laquelle une grande partie de la bourgeoisie accentue sa désaffection, tel est le diagnostic qu'impose apparemment l'étude de la vie actuelle des bains de damas. L'évolution sur ce second plan ne paraissant guère réversible, il est probable qu'à terme, seule sa valeur historique et artistique devra protéger cette belle collection d'édifices à l'harmonie fonctionnelle souvent parfaite et à la délicate diversité.
Jacques de Maussion de Favières. Note sur les Bains de Damas. Bulletin d'Études orientales T. XVII 1961-1963 (pp 121-131).
Michel Écochard & Claude Le Coeur. Les Bains de Damas : Monographies architecturales. Imprimerie catholique 1942-1943.
Avenir des bains damascains: problèmes et solutions
Photo: Ḥammām Fatḥi (crédit: M. ʿUsāma Mahdi al-Ḥaffār).
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