Monday, October 17, 2022

Doura-Europos entre la liberté antique et l'hiératisme oriental



Voici que, sur l'une des rives de l'Euphrate, une modeste ville frontière sort des sables du désert, comme Pompéi et Herculanum des laves du Vésuve. Assurément, si l'on considère la richesse des découvertes, en face des grandes cités italiennes, Doura ne pourrait soutenir la comparaison. Mais si l'on place ces découvertes dans leur milieu, si l'on met en regard, d'un côté, nos musées si riches d'antiques, et de l'autre, le champ de silence où demeurait ensevelie la brillante civilisation de la Mésopotamie au temps des Parthes et des Sassanides, on ne s'étonnera pas de la renommée dont Doura s'auréole déjà. 

Et ce n'est point seulement la civilisation mésopotamienne, c'est ainsi l'origine de la civilisation byzantine, de l'art byzantin, et, dans une large mesure, de l'art médiéval d'Occident, qui restait enveloppée de mystère et que les fouilles de Doura éclairent d'un jour nouveau. Nous savions que notre Moyen Age est le produit d'une invasion victorieuse, celle de l'Orient asiatique. Dans l'art byzantin, nous distinguions sans peine un singulier mélange de liberté antique et de hiératisme oriental, deux traditions concurrentes qui l'emportent tour à tour, suivant les époques, les milieux et le tempérament des hommes. Pareil mélange, la déformation des modèles antiques au contact de l'Orient, apparaît sur le sol de l'Asie partout où l'Hellénisme a pénétré. Le voici réalisé à Doura, au milieu du troisième siècle, tel qu'il l'est, plus tard, à Byzance. 

Ces deux manières forment le plus saisissant des contrastes. Dans le modèle hellénistique, on trouve fond pittoresque, allégorie, perspective, figures variées, libres, prise sur le vif. Par contre, le modèle hiératique se distingue par fond dépouillé, files uniformes, frontalité, recherche de la symétrie. 

Cet art hiératique domine à Doura plus impérieusement qu'à Byzance. Mais il n'est peut-être pas une seule composition où l'Hellénisme n'ait laissé quelque souvenir. Distinguer ces éléments, en déterminer l'origine et la signification, telle est une des tâches essentielles que paraît comporter l'étude de la synagogue.

M. du Mesnil du Buisson s'est imposé un programme en apparence plus simple: expliquer les sujets. Il l'a rempli jusqu'aux moindres détails. Ce n'était pas toujours chose aisée. Le texte biblique n'y suffisait pas; il fallait utiliser aussi les commentaires rabbiniques, les légendes juives, enfin les souvenirs de ces commentaires et de ces légendes qu'ont pu nous conserver le Coran et les historiens arabes. Il fallait même, avec des images si largement pénétrées par l'Hellénisme, interroger les monuments païens, le temple d'adonis à Doura, le temple du Soleil à Baalbek. Autant de données fort précieuses. 



D'après Gabriel Millet






Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.


Comte du Mesnil du Buisson


Qui a sauvé les peintures de Doura Europos?

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