L'aspect des localités nuṣayris النصيريّة rappelle celui des villages habités par de vieux sédentaires. Les montagnards arrivèrent dans le Ġāb الغاب en possession de techniques auxquelles on ne saurait comparer les maigres connaissances des nomades arrêtés à Ḥayālīn حيالين ou fixés à Jammāsa جمّاسة. Les nuṣayris et les chrétiens qui vivent à leur contact habitent des maisons analogues à celles que l'on rencontre dans le massif des ʾAnṣārīya جبال الأنصاريّة. Ils élèvent les murs en pierres et en briques crues selon le sol dont ils disposent. A l'intérieur, de gros poteaux de bois à peine équarris et fourchus à leur partie supérieure portent un large chapeau, appui des solives ou des perches qui soutiennent la terrasse. L'habitation d'été ne diffère en rien de celle que l'on bâtit dans les pauvres villages du littoral ʿalawīte العلوي. La famille couche dans une cabane cubique, des perches tracent les arêtes, des nattes de roseaux tendues couvrent les faces mesurant d'ordinaire 2 mètres de côté. Ces étroits logis diffèrent des huttes de feuillage fréquentes dans le Liban, des murettes de terre que l'on aménage, l'été, sur les terrasses de certains villages de la Nuqra النقرة et des premières pentes de Ḥermon, des appentis de Tuwayna التوينة et des maisonnettes de Jammāsa, répliques de celles que l'on rencontre dans l'ʿImq العمق et dans la plaine d'ʿAkkār عكّار.
Ces traits disparaissent dès que l'on s'éloigne vers l'Est, où l'on retrouve les influences déjà signalées. Le village de Ṣafṣāfīya الصفصافيّة en offre une sorte de résumé. Cette agglomération est située sur les basses terres appartenant à Mḥarda محردة. Ses habitants travaillent pour les propriétaires chrétiens de la grosse bourgade. Bien qu'ils soient tous sédentaires, les uns s'appellent «arabes», les autres «fellahs». Les premiers appartiennent à une fraction Mawāli بدو الموالي, mais ils semblent s'être détachés complètement du gros de la tribu. Les seconds viennent de familles anciennement sédentarisées sur le plateau de Ḥama auxquelles se sont joints quelques nuṣayris. Le village réunit des maisons à terrasses et des bâtisses allongées et couvertes de roseaux. Mais à Ṣafṣāfīya, les murs se montent en briques crues, et ces constructions qui rappellent les demeures de Jalama الجلمة ne servent que d'étable. Tous les villageois habitent, l'hiver, les maisons; par contre, l'été, les anciens nomades dressent la tente à proximité de l'agglomération, tandis que les vieux sédentaires dorment sur leurs terrasses.
Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538
No comments:
Post a Comment