Monday, May 9, 2022

Le Ġāb: histoire et géographie

 


 L'histoire du Ġāb الغاب explique les traits les plus originaux du peuplement. La parfaite insécurité de cette région jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle obligea les sédentaires à fuir les plaines basses: ils se fixèrent dans des sites défensifs sur le rebord du plateau. Cette même insécurité conseilla aux propriétaires amaïotes الحموييّن le louage d'une main-d'œuvre bédouine pour l'exploitation de leurs domaines. Les traditions administratives et politiques des gouverneurs ottomans permettent de comprendre les transports de populations, origines des premiers villages des marais. L'établissement de l'ordre, entrepris sous le régime amidien الحميدي, achevé sous le Mandat Français, rendit vains les essais de rezzous الغزو et invita les nuṣayris النصيريّة à descendre de la montagne pour se fixer dans la plaine.


L'étude historique justifie également la répartition religieuse. Vieux sédentaires, chrétiens et sunnites se sont groupés séparément, ces derniers restant maîtres des citadelles. Les familles nuṣayris s'établissent sur la rive gauche de l'Oronte; rares sont celles qui se fixent sur la rive droite, car il semble aux ʾAnṣārīya الأنصاريّة que vivre à l'Est de la rivière équivaut presque à un exil.

Mais les genres d'existence de ces populations relèvent de la géographie. Le milieu physique impose les modalités de la vie paysanne. Les villages construits sur le rebord du plateau profitent à la fois des ressources des hautes et des basses terres. Les possibilités qu'offrent les marais, comme les nécessités qu'ils imposent, commandent jusqu'aux détails de la vie économique et en partie de la vie sociale des pasteurs et des pêcheurs fixés près des roselières. L'extrême pauvreté du versant oriental des ʾAnṣārīya explique le départ des montagnards pour la plaine; elle justifie la création de ces tristes villages qui s'accrochent aux alluvions de l'Oronte.

Peut-être la maison affirme-t-elle avec encore plus de force les liens qui unissent l'homme au milieu physique: l'habitation de Mḥarda محردة avec ses sous-sols voûtés diffère des cubes de Sqaylbīya السقيلبيّة, et ceux-ci n'offrent aucune ressemblance avec les cases ovales des villages lacustres.

Facteurs géographiques et facteurs historiques s'unissent pour nous permettre de comprendre les populations actuellement fixées dans le Ġāb et vivant de ses ressources: culture, élevage et pêche. Ils marquent cette région d'une forte originalité par rapport aux provinces voisines; forte originalité qui résulte autant de la structure de cette zone effondrée que de la mosaïque des populations qui y vivent (*).




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