Si, dans leurs montagnes, les nuṣayris النصيريّة reconnaissaient aussi peu l'autorité ottomane que par le passé, du moins se montrèrent-ils plus circonspects dans leurs rezzous الغزو. Les traditions des villages chrétiens de Mḥarda محردة et de Sqaylbīya السقيلبيّة invitent à admettre que désormais les talus orientaux et méridionaux du Ġāb الغاب tracèrent l'extrême limite des expéditions que menaient les ʾAnṣārīya الأنصاريّة. Ils s'abstinrent dès lors de courir le plateau de Ḥama au delà du Sārūt نهر الساروت. Quant aux vieux sédentaires, ils hésitaient de moins en moins à faire le coup de feu contre les pillards. Les rezzous comportaient des bénéfices, mais aussi des risques sérieux. La tendance à descendre de la montagne inhospitalière pour s'installer dans la plaine commença à se manifester. Les souvenirs de cette époque, tels qu'on les conserve à Tall Salḥab تلّ سلحب, nous montrent ce village comme la plus ancienne localité du Ġāb habitée par les nuṣayris: ils y seraient descendus il y a «soixante-dix ou quatre-vingts ans tout au plus», assurent les notables.
L'ordre relatif qu'imposa le régime ḥamidien الحميدي aida au développement de cette tendance. Les montagnards que chassait la misère se rapprochèrent de l'Oronte. On est en droit de supposer que la prospérité de Tall Salḥab ne demeura pas étrangère à ce mouvement. Cette progression des nuṣayris vers l'Est se réalisa suivant diverses modalités. Tantôt ils créèrent de nouveaux villages, tantôt ils évincèrent les chrétiens et parfois les musulmans, les refoulant vers le plateau de Ḥama. Sans exclure d'inévitables violences, il semble que cette avance des ʾAnṣārīya fut relativement pacifique.
Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538
Jacques Weulersse. Paysans de Syrie et du Proche-Orient (carte)
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