Thursday, May 5, 2022

De la montagne à la plaine

 


 Au début du dix-neuvième siècle, le Ġāb الغاب méridional appartenait aux chrétiens. Ceux qui travaillaient au pied même de la montagne sauvaient leurs troupeaux, leurs grains et leur vie en achetant la bienveillance de leurs redoutables voisins. Almié ( الجليمة ?) et Ṣārmīya الصارميّة devinrent ainsi des dépendances de Dayr Šmayl دير شميل, village bâti sur un contrefort de la montagne et habité, il y a cinquante ans, par des nuṣayris نصيريّة et par des chrétiens, les premiers imposant leur volonté aux seconds. Aujourd'hui il ne reste plus un chrétien à Dayr Šmayl et Almié est entièrement nuṣayri. Les villageois dépossédés sont allés grossir la bourgade de Mḥarda محردة Ṣārmīya, seul, demeure chrétien. Mais le village décline et s'épuise peu à peu. En 1921, lors des derniers grands pillages alawītes العلويّة auxquels la Puissance mandataire mit définitivement fin, une douzaine de familles émigrèrent à Sqaylbīya السقيلبيّة; une vingtaine de familles seulement demeurent à Ṣārmīya; par contre, ces dernières années, quelques nuṣayris sont venus s'y installer.


L'histoire de ces trois villages résume le peuplement nuṣayris du Ġāb méridional. Les villages qui suivent le rebord du plateau de Ḥama, dans la région où le relief marque une certaine indécision pour raccorder la table calcaire avec la basse plaine et les flancs des ʾAnṣārīyas جبال الأنصاريّة expriment des faits analogues. ʿAqayrba عقيربة compte cinq nuṣayris pour un chrétien, Ḥanjūr حنجور est entièrement nuṣayri, ʾAṣīla أصيلة n'a que quelques familles musulmanes, le gros de l'agglomération appartenant aux nuṣayris. Dans la plaine les faits se modifient, et ce sont des minorités nuṣayris qui vivent dans les villages musulmans de Kaadé (كعدة ?) et de Ṣafṣāfīya الصفصافيّة. L'abandon de la montagne pour la plaine a sans doute amélioré l'existence des nuṣayris. Toutefois, ils n'ont pas conservé l'indépendance dont ils étaient jaloux, ni acquis l'aisance qu'ils espéraient obtenir. Ils vivent à l'abri de la misère et leurs besoins essentiels trouvent satisfaction, mais ils travaillent aujourd'hui pour les riches Ḥamaïotes. Ceux-ci, semble-t-il, ont étendu leurs propriétés dans cette région par des prêts hypothécaires qui ne furent jamais remboursés.



Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538

Jacques Weulersse. Paysans de Syrie et du Proche-Orient (photo)

Villages Nuṣayris

Montagnards Nuṣayris

Tall Salḥab

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