Dans le Ġāb méridional, les Nuṣayris se substituent peu à peu aux anciens occupants; au Nord d'ʿAšārna العشارنة, ils fondèrent des villages soit sur l'emplacement de sites habités jadis, soit sur des amas de limon accumulés au milieu des roseaux.Tall Salḥab تلّ سلحب, construit en partie dans la plaine, en partie sur un monticule remanié, sinon entièrement élevé par l'homme, avait rapidement prospéré. Des conditions analogues attirèrent des nuṣayris à ʿAmmūrīn عمّورين, sur la rive droite de l'Oronte. La berge opposée, relativement haute et rarement inondée, incita un autre groupement à s'y fixer: Ḥōrāt حورات fut fondé. A quinze cents mètres au Nord-Ouest s'élèvent les toits de roseaux de Tall as-Sūs (!? تلّ السوس), agglomération que les eaux envahissent presque chaque hiver. Les habitants vont alors chercher asile, soit sur la petite éminence qui porte Tall Kumbatri تلّ كمبتري, soit dans les hameaux qui s'accrochent aux premières pentes des ʾAnṣārīya جبال الأنصاريّة. Au-delà, vers le Nord, les nuṣayris fixés dans les marais mènent une existence en tous points semblable à celle des anciens nomades établis à Tuwayna التوينة et à Karīm الكريم. Šajar شجر ؟. H̱andaq الخندق, Bārid البارد ont bâti leurs pauvres masures sur les bourrelets d'alluvions que l'Oronte construisit sur la rive gauche. Raṣīf الرصيف et Jayyid الجيّد, complètement isolés entre la rivière et les villages musulmans qui jalonnent la limite orientale des marais (Ḥuayz الحويز, Ḥawāš الحواش, ʿAmqīya العمقيّة...), vivent encore plus médiocrement et plus péniblement que les pêcheurs de Karīm. Ces deux villages ne datent pas de plus d'une vingtaine d'années. L'expérience semble néanmoins satisfaire les nuṣayris qui se maintiennent sur ces terres amphibies, en dépit des difficultés de toutes sortes, et qui ne paraissent nullement désireux de retourner vivre au flanc de la montagne.
Décrire ces villages conduirait à des redites. La population des marais ne peut qu'élever des murs de terre et dresser des toits de roseaux. Toutefois, la coutume des huttes d'été donne aux agglomérations nuṣayris un trait particulier. On a vu que cette habitude se retrouvait sans la moindre variante sur le littoral et dans le Ġāb méridional. Les ʾAnṣārīya venus vivre au milieu des roseaux s'efforcent d'y rester fidèles. La substitution du toit à la terrasse oblige à un travail supplémentaire. Les villageois montent leurs cabanes cubiques sur quatre grosses perches enfoncées en terre et consolidées parfois à l'aide de contre-fiches. Le plancher - ou plutôt les branchages, les joncs, les roseaux qui en tiennent lieu - se trouve ainsi porté à 1 m. 50 ou 2 mètres au-dessus du sol, une échelle y donne accès. A chaque maison de terre correspond une demeure d'été; ces frêles constructions rappellent les postes de guetteurs que les propriétaires dressent pour surveiller les vignobles et les récoltes aux abords de l'oasis de Damas.
Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538
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