Monday, September 12, 2022

Des thermes et des ḥammāms

 


 Réparties selon un plan tantôt centré, tantôt rectiligne, les parties constitutives du ḥammām sont chaque fois les mêmes: une porte d'entrée, généralement de petite dimension et très sobrement traitée, donne accès à une salle de déshabillage A, l'antique apodyterium, presque toujours carrée, couverte d'une coupole, dotée de banquettes de bois garnies de coussins entourant un bassin central avec jet d'eau. C'est là que les clients se dévêtent et qu'après le bain, emmitouflés dans des serviettes chaudes et propres, ils se reposent en buvant du thé. Un couloir coudé, fermé par une porte à chacune de ses extrémités, donne accès à la salle froide B, l'antique frigidarium, dépourvue de dispositif de chauffage, mais attiédie par son voisinage avec la section chauffée. Elle fait en général office de salle de déshabillage, surtout en hiver, pour les personnes âgées ou malades. La salle tiède C, le tepidarium, des thermes romains, prépare l'accès à la salle chaude. Elle est pourvue de petites salles annexes, les maqṣūra, réservées aux soins corporels, lavage, épilation, rasage, massage, et propice aux fantaisies diverses, la promiscuité régnant là ayant évidemment raison de tous les censeurs et de toutes les interdictions. La salle chaude  D enfin, le caldarium antique, parfois aussi pourvue de maqṣūra, contiguë à la chaufferie F dont elle reçoit directement la vapeur par une série de perforations ménagées dans le mur mitoyen. Grâce à sa température élevée, elle est le lieu des sudations plus ou moins prolongées. Les latrines E sont généralement situées entre la salle de déshabillage et la salle froide. La salle de chauffe dont le foyer est alimenté par de la sciure, du crottin ou de la paille hachée produit le vapeur mais aussi l'eau chaude qu'une tuyauterie achemine jusqu'aux différentes vasques réparties dans les salles, en particulier dans les maqṣūra. La fumée est évacuée par un conduit passant sous le dallage des pièces chaudes - souvenir atrophié des hypocaustes romains - prolongé par une cheminée qui culmine à cinq ou six mètres au-dessus des terrasses, entre la salle froide et la salle tiède.


La conservation de la chaleur étant essentielle, les murs du ḥammām sont épais et les ouvertures réduites au minimum. La salle de déshabillage est presque toujours éclairée par un lanternon vitré surmontant la coupole, parfois aussi par des fenêtres basses ménagées dans la façade. Les salles chauffées elles, ne prenant jour que par des ampoules de verre épais, soit incrustées dans les voûtes, soit fixées à l'extrémité des tuyaux de terre cuite qui traversent la maçonnerie et font saillie sur l'extrados. Les murs, d'un mètre d'épaisseur environ, sont généralement construits en mœllons et les voûtes, d'une épaisseur moyenne de vingt deux centimètres, en briques plates, par encorbellements successifs jusqu'au tiers de leur hauteur, par voûtement rayonnant ensuite. Toutes les parois intérieures, à l'exception de celle de la salle de déshabillage lorsqu'elle est en pierres apparentes, sont revêtues d'un enduit de plâtre et de chaux. Le décor, toujours sobre, est en général réduit aux muqarnaṣ qui assurent le raccord entre les voûtes et les plans polygonaux, carrés, rectangulaires, octogonaux ou dodécagonaux, des différentes salles.

Contrairement aux thermes romains où la mixité, jusqu'au règne d'Hadrien, tout ou moins, était la règle, le ḥammām, s'il n'est pas exclusivement consacré à l'un des deux sexes est réservé, selon les jours et les heures, à une clientèle tantôt masculine, tantôt féminine. Son fonctionnement nécessite un personnel fort nombreux: outre le tenancier dont le petit bureau se situe dans la salle de déshabillage, en général près de l'entrée, il compte un maître de chauffe, un préposé à l'alimentation du foyer, de nombreux domestiques, et surtout, des masseurs, experts dans l'art de faire craquer les os et de relaxer les corps, des ventouses, des étrilleurs et parfois un coiffeur aussi habile à tailler et teindre les barbes qu'à raser, polir et parfumer les crânes.





Gérard Degeorge. Damas: des origines aux Mamlūks. L'Harmattan, 1997 (texte). 

Thermes romains (plan des thermes d'Herculanum)

Michel Écochard & Claude Le Coeur. Les Bains de Damas : Monographies architecturales. Imprimerie catholique 1942-1943 (plan d'un bain damascain typique). 


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