Sunday, September 11, 2022

Damas, ses Bains et la Loi Islamique


 Au douzième siècle, ibn ʿAsākir comptait à Damas cinquante sept ḥammāms dont quarante intra-muros. A une date indéterminée, mais probablement aux alentours de 1165, Nūr ad-Dīn fit construire au sūq al-buzūrīyīn, "des grainetiers" un ḥammām qu'il constitua waqf, parmi d'autres bien, au profit de sa madrasa funéraire, la Nūrīya al-Kubra. Héritier des thermes antiques revus par Byzance, mais d'échelle plus petite et amputé des piscines et de la palestre, le ḥammām, souvent associé à la mosquée, occupait une place majeure dans la vie religieuse et sociale de la cité.

 
Contrairement au christianisme qui, dans son dédain de la chair, détournait ses adeptes des soucis corporels, l'islam fit de l'hygiène une vertu canonique: "la propreté fait partie de la foi النظافة من الإيمان" proclame un ḥadīṯ. Les ablutions mineures y sont de règle avant chaque prière, les majeures, celles qui, précisément, se font au ḥammām, avant la prière du vendredi. Inutile que le malpropre se mettre à prier, car selon un autre ḥadīṯ: "la prière de qui est impur ne sera pas agréée par Dieu tant qu'il n'aura pas fait ses ablutions 

لا يقبل الله صلاة أحدكم إذا أحدث حتّى يتوضأ". 

L'efficience de la prière d'ailleurs se mesure au degré d'hygiène, ainsi, "celle que l'on fait après s'être curé les dents est supérieure à celle avant laquelle on ne les a pas lavées 

وقد فضّلت الصلاة بالسواك على الصلاة بغير سواك" (*). 

De même, celui qui a mangé de l'ail ou de l'oignon frais pourra peut-être prier chez lui, mais il lui est interdit d'entrer à la mosquée. La purification rituelle après l'accomplissement des activités physiologiques, miction, défécation, éjaculation, etc. est obligatoire, les ḥadīṯs la concernant sont légions et leurs recommandations minutieuses. Au reste, là comme ailleurs, le bon musulman n'a qu'à suivre le modèle de son Prophète dont la tradition fait en cette matière commen en toute autre le parangon suprême et qui, selon ibn al-Jawzi "était l'homme le plus propre et me mieux parfumé أنظف الناس وأطيب الناس".  Nécessité religieuse, la propreté est aussi respect des autres, un point particulièrement souligné par ibn al-Jawzi: "Beaucoup de gens, écrit-il, négligent leur corps. Certains ne se nettoient pas la bouche avec un cure-dents après avoir mangé, d'autres ne se lavent pas leurs mains couvertes de crasse ou se frottent à peine les dents, ne se mettent pas du collyre sur les yeux ou n'accordent aucun soin à leurs aisselles. De cette négligence résulte un manquement à la religion et à la vie sociale:

تلمّحت على خلق كثير من الناس إهمال أبدانهم، فمنهم من لا ينظّف فمه بالخلال بعد الأكل ومنهم من لاينقّي يديه في غسلها من الزهم ومنهم من لا يكاد يستاك وفيهم من لا يكتحل وفيهم من لا يراعي الإبط إلى غير ذلك فيعود هذا الإهمال بالخلل في الدين والدنيا". 

Ainsi les ḥammāms sont tout autant un signe de civilisation que de bonne vie religieuse, ce qui d'ailleurs, du point de vue de l'Islam, se rejoint et tout voyageur ou géographe désirant célébrer l'excellence d'une ville mettra en avant, outre le nombre de ses mosquées, de ses tombe célèbres ou de ceux qui savent le Qurʾān par cœur, celui de ses ḥammāms. 






Gérard Degeorge. Damas: des origines aux Mamlūks. L'Harmattan, 1997 (texte). 

Crédit photo: collection M. ʾUsāma Mahdi al-Ḥaffār

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