Saturday, February 12, 2022

Maʿlūla: les habitations

 


 Maʿlūla s'agrippe au flanc des talus et se cramponne au pied des abrupts qui le dominent. Il n'y faut chercher aucun plan. Les habitations se dressent partout où un palier permet de s'établir. Dans la partie haute du village, plus d'une s'adosse à la paroi rocheuse; souvent  même une ou deux pièces se creusent dans le calcaire. Les éboulis, blocs parfois énormes, restés où ils sont tombés, mais qui semblent tout prêts à dévaler jusqu'au torrent, offrent autant d'aubaines pour les habitants. La face supérieure en est-elle à peu près plane, on s'y installe et d'autres masures s'adossent aux côtés. Si la masse surplombe, elle sert de plafond à une construction. Plus bas, les indigènes bâtissent partout où les difficultés ne sont pas insurmontables. Fréquemment le rez-de-chaussée et l'étage qu'il porte s'ouvrent directement sur le versant: aucune communication entre eux, et bien que construits l'un sur l'autre, ils sont absolument distincts l'un de l'autre.

Maʿlūla est un labyrinthe. Exception faite de la route pour autos qui conduit au couvent de Mār Taqla et qui ne date que de 1928, on peut à peine qualifier du nom de ruelles les chemins empierrés de blocs glissants, coupés d'escaliers aux marches taillées dans le rocher, qui permettent de se rendre d'une maison à l'autre. Les lits des deux torrents issus des gorges et asséchés la plus grande partie de l'année (en partie à cause des dérivations) prennent figure d'entrées principales.De là, on s'élève à travers le dédale des habitations. La plupart des ruelles finissent en impasses pour l'étranger, mais constituent un véritable passage pour l'indigène qui emprunte la cour d'une première maison, l'escalier d'une seconde, la terrasse d'une troisième, pour déboucher dans une autre ruelle. Celle-ci s'engage sous des étages jetés au-dessus d'elle et alors qu'elle semble gagner le haut du village, elle dévale soudain avec une pente de 30, parfois de 40 pourcent. Vous avancez et vous croyez suivre un chemin en corniche quand vous êtes sur un toit. Continuez, un couloir serpente entre deux murs et aboutit à une courette d'où des escaliers mènent soit aux maisons d'en haut, soit à celles d'en bas.

Deux fois par jour, dans ce dédale aux pentes rapides, circulent les femmes qui vont à la source et en reviennent, leur jarre sur l'épaule. On y croise bourriquots, chèvres et vaches. Maʿlūla se replie sur soi-même: si les grands troupeaux partent dans la montagne ou au Ḥamād, les bêtes qui donnent le lait pour la consommation journalière vivent avec les habitants. Leur trouver une place n'est pas aisé: on va jusqu'à parquer des brebis avec leur bottée de fourrage sur des balcons.





Richard Thoumin. Géographie humaine de la Syrie Centrale. Tours, Arnault et Cie 1936




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