Tuesday, February 1, 2022

ʿAyn al-Tīna et les villages de plateaux

 


 Sur les plateaux, à de rares exceptions près, chaque source a son village, chaque village a sa source. Si le débit est assez important, une ġūṭa se développe immédiatement. Toutefois, s'il y a toujours un établissement humain près de chaque source, il peut se réduire à une ferme. On se trouve alors en présence d'une zone irriguée appartenant à une famille de Damas ou du Qalamūn qui en confie l'exploitation à des métayers. 


Les villages des plateaux présentent un autre caractère: l'isolement - isolement du village, isolement de toute la région par rapport aux pays avoisinants. Dans les vallées du Mnīn et du Barada les agglomérations se suivent, les jardins des unes touchant ceux des autres; au contraire ʿAssāl al-Ward, Qāra et Jabʿadīn forment des îlots qui, sous bien des rapports, se sont suffi à eux-mêmes pendant des siècles et ne commencent à vivre en relation avec le reste du Qalamūn que depuis ces dernières années, grâce à la circulation automobile et aux pistes de plus en plus praticables. 

Les vallées du Mnīn et du Barada s'ouvrent sur la plaine de Damas et de tous temps l'influence de la grande cité y pénétra. Les plateaux restent à l'écart; s'il fallait se rendre à la ville pour des achats, on allait à Yabrūd, bourgade de quelques milliers d'habitants. Le Qalamūn, en dépit de la richesse de ses points irrigués, reste un pays pauvre, incapable de participer à un commerce actife, et ses plateaux successifs que séparent des marches abruptes n'encourageaient pas ceux qui auraient eu le désir de s'y aventurer. Ces difficultés favorisèrent, semble-t-il, le développement des groupements humains dans l'antiquité, ainsi que le prouvent ruines et inscriptions rencontrées en de nombreux villages. Par la suite, elles permirent à ces populations de conserver un particularisme nettement défini, qui ne commença à faiblir qu'au début du dix-neuvième siècle, pour tendre à s'effacer avec le progrès de la circulation actuelle. 

Nabk, ʿAyn al-Tīna, ʿAssāl al-Ward, Maʿlūla et Yabrūd synthétisent les principaux types des villages rencontrés sur les plateaux du Qalamūn et les modifications que les circonstances locales peuvent imposer.

ʿAyn al-Tīna éveille le souvenir de Tall. Les maisons escaladent un mamelon crayeux que des champs, des vergers et des vignes entourent de tous côtés. Alors que Nabk a des rues tracées, les habitations de ʿAyn al-Tīna s'entassent et se serrent les unes contre les autres. 





Richard Thoumin. Géographie humaine de la Syrie Centrale. Tours, Arnault et Cie 1936


Thoumin, Richard-Lodois (1897-1972) 

No comments:

Post a Comment