Les marins égyptiens ont pris d'assaut les souks du port de Lattaquié.
Des millions d'hommes n'ont pas encore compris ce que la Turquie est venue faire brusquement dans la rivalité mondiale du colosse de l'Est et du colosse de l'Ouest. C'est l'un des pays dont on a le moins parlé depuis de longues années. Elle posséda jadis le troupeau des peuples arabes, jusqu'à la mer d'Oman et jusqu'aux colonnes d'Hercules, puis elle les perdit ou les abandonna. Rien ne permet de penser qu'elle les regrette et qu'elle ait envie de les reconquérir. Kemal Atatürk lui a donné des buts nationaux étroits et vigoureux en la délivrant du cosmopolitisme des sultans ottomans, et il en a arraché jusqu'à la langue au mirage onctueux de l'Orient. C'est un pays de la même souche humaine que les peuples de l'Ouest, mais d'une pureté et même d'une rudesse difficilement concevables. Ces montagnards anatoliotes sont des soldats de fer. Ils ont fait dans des conditions épouvantables les guerre séculaires des Ottomans, portant presque seuls le poids d'un empire démesuré, et il y a sept ans encore, en Corée, ils stupéfièrent par leur bravoure et par leur rusticité. S'imaginer que l'envoi de 5000 vainqueurs du Sinaï bardés de chars Staline pouvait modifier la balance des forces et même coopérer à la défense de la Syrie, cela représente une des idées les plus phénoménales qui pussent venir à l'esprit. Les Égyptiens ont été battus par les Israéliens - sans que les Syriens aient bougé - ils seraient hachés et dévorés par les Turcs.
Paris Match 446. Samedi 26 Octobre 1957
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