Wednesday, July 28, 2021

Chez ʿAbd ar-Raḥmān Pāšā al-Yūsuf


 La voiture s'arrête au fond d'une impasse où se cache, ainsi que toute princière demeure, le palais du roi des Kurdes. C'est un édifice moderne, de style banal, en marbre blanc, surchargé d'incrustations et de placages en marbres polychromes. Au salon chatoyant de toutes les nacres et de tous les damas, le Pāšā, à tête et épaules carrées, aux yeux couleur topaze légèrement obliques, en frac et tarbūš impeccables, est entouré de messieurs tout aussi élégants. 


 Dîner servi à la française dans une vaste salle à manger fleurie, illuminée et glaciale, dîner cuisiné par je ne sais combien de chefs internationaux et se composant de trente-sept plats - on se croirait à la table de Louis XIV - de trente-sept plats se succédant au galop et partagés en deux séries de dix-huit plats par une sorte de "trou normand", en l'espèce un sorbet kurde à la menthe. Puis tout recommence à la même allure, dix-huit plats poivrés, sucrés, aromatisés, accommodés à toutes les sauces et à toutes les farces, dix-huit plats absolument identiques, mais inversement offerts: re-légumes, re-rôtis, re-poissons, re-potages, pour se terminer définitivement par un kišk al-fuqarā, mets national, friandise des bergers kurdes, sort de lait caillé aux pistaches, que le Pāšā ne manque jamais de faire servir, en pieuse commémoration de son humble et pastorale origine. 



No comments:

Post a Comment