Thursday, January 6, 2022

Jérusalem et le Saint-Siège: une volte-face?


 "Comment, à moins de renier nos plus hauts principes, pourrions-nous accepter que les juifs redeviennent les maîtres de Jérusalem?" Cette phrase a été prononcée par un cardinal secrétaire d'État, Monseigneur del Val, en 1904. En 1949, Pie XII, réclamait l'internationalisation de la Ville sainte et de ses environs. Disciple de ce pape, Monseigneur Montini, devenu Paul VI, n'était pas d'un autre avis. En janvier 1972, il envoyait en Terre sainte son sous-secrétaire d'État, Monseigneur Giovanni Benelli. Après des contacts officieux avec les autorités israéliennes, le prélat rentrait à Rome convaincu que rien ne pourrait amener les juifs à renoncer à Jérusalem et qu'il fallait à tout prix trouver des solutions plus réalistes. C'est depuis cette époque qu'il n'est plus question dans les documents officiels du Saint-Siège d'internationalisation de Jérusalem, mais seulement des Lieux saints. 


C'est pourquoi, se faisant le porte-parole des fidèles des trois religions, le pape réclame le libre accès à tous les Lieux saints, y compris le Mur des lamentations pour les juifs et les deux mosquées, ʿUmar et al-ʾAqṣa, pour les musulmans. 

Cette thèse, a-t-elle des chances de rallier tous les suffrages? Elle exige en tout cas des concessions réciproques. Des Arabes, qu'il renoncent à la vieille ville qu'avant la guerre des Six-Jours ils détenaient. Des juifs, qu'ils abandonnent une part de souveraineté dans leur propre capitale. Pourtant, sans sacrifice, pas de compromis. Il est vrai que les canons de Brejnev et les dollars de Nixon pèsent lourd dans la balance. Mais Jérusalem n'est pas une ville comme les autres. Cité de David, elle a été, depuis ses origines, la ville des perpétuels défis et des éternels accomplissement. Ville sainte, on comprend que Paul VI ne veuille pas rester indifférent à son sort. Ainsi, quoi qu'il advienne à Genève, c'est bien par Rome que passe la paix. 




Robert SerrouParis Match 1287 (5 janvier 1974). 

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