Sunday, January 23, 2022

Qalamūn

 


 Les indigènes nomment Qalamūn les trois plateaux situés à l'Est de l'Anti-Liban. 

De Mnīn à Yabrūd, les trois paliers du Qalamūn s'individualisent avec netteté. Ils dessinent face au Sud-Est de hautes murailles continues au pied desquelles les éboulis s'accumulent. Le chaînon le plus bas borde la plaine de Damas; ses éperons ne sont parfois que d'immenses dalles dont la couche superficielle se détruit avec régularité sous l'action de la température.

Les eaux ont travaillé ces paliers remplis de déchets tombés de la marche supérieure et de leur rebord oriental. Les zones éloignées des passages qui attirent les torrents d'hiver se déroulent plates et monotones comme la plaine de Quṭayfa que prolonge la plaine de Jayrūd. Parfois un massif rocheux, resté en place, dresse sa silhouette déchiquetée au-dessus des champs; parfois aussi des éperons à demi détachés du plateau supérieur s'avancent, invitant à y bâtir une forteresse: les hauts murs du couvent de Ṣaydnāya commandent ainsi les terres égales et basses d'où émerge son socle puissant.

On communique difficilement de plateau à plateau. La vallée de Mnīn coupe les chaînons inférieurs du Qalamūn et le col qui s'ouvre au pied de jabal ʾAbu al-ʿAṭa donne accès de la plaine de Damas à celle de Quṭayfa, d'où l'on franchit le rebord du second gradin par le seuil de Ḥala حلا où par le défilé du H̱ān alʿArūs خان العروس. Entre ces passages on ne peut citer que de rares sentiers dont les chevriers sont les principaux usagers. Atteindre le troisième plateau est encore plus malaisé: une seule voie naturelle et praticable en tous temps, la trouée de Yabrūd. Cette brèche exceptée, on n'accède aux plus hautes terres du Qalamūn que par les gorges de Jabʿadīn جبعدين et de Maʿlūla, couloirs impraticables à l'époque des pluies et dont l'étroitesse ne permet que le passage d'un mulet bâté (1).

Le Qalamūn perd sa simplicité au Nord de Nabk. Dans l'éventail des fractures, la plaine de Jayrūd s'ouvre face au Nord-Est: elle appartient déjà au désert de Syrie. Les montagnes jabal Mār Mūsa et Dayr ʿAṭyīa séparent cette zone déshéritée des deux autres plateaux. Ceux-ci n'ont plus de rebords nettement accusés pour les délimiter.

La trouée de Yabrūd marque l'origine d'une vallée qui descend vers le Nord-Est. De loin en loin, des sources en jalonnent le fond large et plat et des traînées de cailloux roulés les unissent. Cette dépression contient des argiles qui, au contact des calcaires voisins, donnent de la terre glaise et des marnes. 

Vers l'Ouest on s'élève à travers les ruines des plateaux supérieurs. Les murailles disparaissent, mais des massifs étroits et isolés font souvenir de l'ancien relief. 



(1) le passage de Rankūs avec sa piste aménagée n'est ouvert que depuis 1927, encore est-il à noter qu'en bien des points de l'itinéraire, il est impossible de passer en automobile à la mauvaise saison.



Richard Thoumin. Géographie humaine de la Syrie Centrale. Tours, Arnault et Cie 1936.

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