Saturday, April 16, 2022

Sqaylbīya: la maison


 Les maisons se pressent à la partie haute. Des cours, sauf chez les notables, se réduisent à quelques mètres carrés, mais font rarement défaut. L'habitation compte peu de pièces. Les plus pauvres se contentent d'une salle rectangulaire: un des angles est réservé à la provision de combustibles, galettes de fumier brûlées l'hiver. Une seule pièce également chez les familles qui ont un commencement d'aisance, c'est-à-dire quelques vaches: une rangée de silos divise en deux la salle commune, un côté pour les bêtes, un autre pour les gens. La séparation complète de l'étable et de la chambre familiale, chacune ayant sa porte donnant sur la cour, annonce des occupants que l'on qualifierait presque de fortunés.

La construction est rudimentaire. Murs en larges briques crues avec revêtement de torchis, terrasses portées sur des branchages prenant appui sur des solives; les fenêtres restent l'apanage des familles aisées; la fumée sort par les interstices de la terrasse ou bien par des trous aménagés à la partie haute des murs. Dans les cours se rangent le four où les femmes cuisent les crêpes de froment, le fumier façonné en galettes, les ruches modelées en longs cylindres de terre.




Le manque de place oblige à serrer les habitations. Les terrasses souvent se touchent. Il suffit d'une marche ou d'un mauvais barreau d'échelle pour passer de l'une à l'autre. Les ruelles, dont les plus larges mesurent rarement deux mètres, serpentent entre les bâtisses. Elles se transforment, aux pluies d'hiver, en lits de boue que le passage des bestiaux, soir et matin, rend impraticables. Vers le milieu de la plate-forme et non loin de l'église, une placette réunit quelques boutiquiers, un coiffeur, un menuisier, un épicier, ce que les villageois appellent leur sūq. Un sentier fait le tour de la plate-forme. De loin en loin s'élargit un belvédère. Les habitants du quartier, le soir, s'y réunissent. On déverse les fumiers des litières près de ces espaces libres ou on les fait glisser le long des pentes. La butte possède ainsi sur certaines de ses faces un revêtement de déchets et de paille pourrie. Au pied du tell et au Sud, un village neuf s'est construit. Il compte à présent près du tiers de la population. Les progrès de la sécurité expliquent ce développement récent. Depuis l'établissement du mandat français, le village d'en bas s'est agrandi sans souci de pourvoir à sa défense. L'accroissement de la population nécessite l'extension de Sqaylbīya. Si la mortalité infantile annule le grand nombre des naissances, des familles chrétiennes quittent depuis cinquante ans des villages nuṣayri. Ce mouvement s'accrut pendant la Grande Guerre.

Le surpeuplement du tell invita à construire au pied de la butte dès que les circonstances le permirent. Les maisons neuves évitèrent le vallon qui descend au Ġāb الغاب et la dépression, en partie artificielle, qui sépare le tell des pentes du plateau: elles choisirent les terres situées au Sud de la vieille agglomération. Les habitations n'y offrent guère plus de confort, mais les salles et surtout les cours ont gagné en largeur.

Sqaylbīya السقيلبيّة, avec des aspects différents, donne la même impression que Mḥarda محردة. Leurs populations, établies depuis longtemps au même point, se sont parfaitement adaptées aux conditions physiques. Ces bourgades sont riches, comparées aux villages des marais et à ceux que peuplent les Mawalis بدو الموالي. Celui qui parcourt le Ġāb et le plateau de Ḥama est surpris d'assister à la vie joyeuse et gaie de cette population chrétienne. Le dimanche soir, loin encore sur la piste qui vient du Sārūt الساروت, il entend les chœurs de la jeunesse de Mḥarda. A Sqaylbīya, par les fins d'après-midi, chacun monte sur sa terrasse, les bavardages vont leur train, les enfants jouent, les jeunes gens rivalisent d'adresse ou de force devant des groupes de jeunes filles.




Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538


Villages de vieux sédentaires: contexte historique


Villages de vieux sédentaires: peuplement actuel


Mḥarda


Sqaylbīya

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