Le peuplement actuel du Ġāb est celui d'une population récemment établie. Des montagnards descendus des ʾAnṣārīya الأنصاريّة, ou des bédouins devenus cultivateurs, éleveurs et pêcheurs, forment la majeure partie de la population. Les témoins de l'antique peuplement se réduisent aux quelques milliers d'indigènes ramassés en gros villages sur le pourtour du Ġāb méridional: chrétiens de Sqaylbīya سقيلبيّة et de Mḥarda محردة, musulmans de Qalʿat al-Muḍīq قلعة المضيق et de Sayjar سيجر. Ils se sont fixés dans les sites les plus favorables pour la culture, pour la sécurité et pour les commodités de la vie.
Si les sources abondent en bordure de la zone marécageuse, elles sont rares vers le Sud. On doit forer des puits ou faire de longues courses pour aller à la rivière. Qalʿat al-Muḍīq et Sqaylbīya possèdent leurs sources, et les femmes de Sayjar descendent à l'Oronte en quelques minutes. Qalʿat al-Muḍīq et Mḥarda dominent les basses terres, il en est de même pour Sayjar et pour Sqaylbīya. Leur site est salubre, comparé aux agglomérations bédouines des marais et de la plaine de Jalama الجلمة; si le paludisme est fréquent (sauf à Mḥarda), ce sont pourtant des villages infiniment moins malsains que H̱andaq الخندق ou Šarīʿa الشريعة.
Ces agglomérations de vieux sédentaires ont des aspects de châteaux forts. Sqaylbīya, sur sa butte, est une citadelle; à Qalʿat al-Muḍīq et à Sayjar, c'est à l'intérieur même des forteresses arabes que ces villages ont bâti leurs maisons. Mḥarda échappe à la règle: la bourgade s'est mise à l'écart, sur le plateau, hors de portée pour les bandes qui razziaient les basses terres. Pillages des récoltes et des troupeaux, telle semble être en effet l'histoire du Ġāb depuis de longs siècles. Qu'il suffise de rappeler l'anarchie qui accompagna les califats abbassides et fatimites. Ni l'administration des Mamlūks, ni le passage des Mongols ne favorisèrent la restauration de l'ordre. Avec la domination ottomane, ce sont les bandes alaouites qui deviennent - ou qui continuent d'être - le principal fléau.
Musulmans et chrétiens se sont partagé les sites les plus favorables. Le triomphe politique et militaire de l'Islam donna la supériorité aux mahométans. Ils eurent droit, en quelque sorte, aux défenses officielles: ils occupèrent les anciens châteaux, et leurs villages se sont développés à l'abri des enceintes fortifiées. Sqaylbīya, au contraire, est, si l'on peut dire, une ville ouverte en ce sens qu'elle n'a pas de fortification, mais son site dominant de trente à quarante mètres les basses terres de l'Ouest, et séparé du plateau de l'Est par une dépression; en partie naturelle, lui permet de se défendre aisément.
Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538
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