La pratique du harpon ne suffit pas à procurer de sérieux bénéfices au concessionnaire. Aussi pêche-t-on au filet, comme en mer, dans les vastes nappes d'eau du Ġāb الغاب. Trois grosses barques, semblables à celles que l'on tire à sec sur les grèves de Batrūn البترون et de Banīās, ont Šarīʿa الشريعة pour port d'attache. Les pauvres ʿadīāt عديّات s'enorgueillissent de donner asile à de tels bâtiments, et l'étranger qui passe sent le besoin de s'émerveiller pour ne pas décevoir les indigènes. Nul d'entre eux n'y monte et pas un n'aurait la vanité de vouloir les manœuvrer. Vers la mi-novembre arrivent 18 marins de Irwād إرواد; on les reçoit avec les égards dus à des hommes affrontant les tempêtes et possédant des connaissances qui dépassent ce que peuvent savoir les descendants des nomades. Les barques mises à l'eau, les matelots développent leurs filets longs de 200 mètres. Tantôt ils refoulent le poisson vers une anse du rivage, tantôt ils décrivent un cercle, relèvent les filets, diminuent le rayon et ramassent le poisson.
Sitôt péchés, les silures سمك السلّور sont décapités et réunis en énormes bourriches que des files de chameaux emportent vers Alep et vers Ḥimṣ حمص qui, à eux seuls, achètent près des trois quarts des quantités pêchées; Damas et Ḥama se partagent le dernier quart.
Il est difficile d'estimer les gains résultant de la pêche du silure. Les bénéfices du concessionnaire varient d'une année à l'autre. Les indigènes doivent se contenter le plus souvent d'une paye quotidienne d'un tiers à un demi Majīdi مجيديّة pour une pêche journalière de 40 à 50 kgs de silure. Ces salaires ne paraissent pas aux hommes du Ġāb aussi minimes que nous pourrions le penser. Les artisans de Damas et d'Alep ne pourraient vivre avec de tels salaires et on les jugerait insuffisants même dans les villages du Qalamūn القلمون ou du plateau de Ḥama. L'isolement, la quasi-absence de besoins et la rareté des échanges les font paraître maigres, mais acceptables aux gens des marais.
Richard Lodoïs Thoumin. Le Ghab. Revue de Géographie Alpine 1936 pp. 467- 538
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