Les villages agricoles du versant oriental rappellent les agglomérations du Qalamūn. Soumis à un climat analogue bien qu'un peu plus humide, ils recherchent les points d'eau et se construisent au-dessus de la dérivation supérieure. Ils se rangent en deux catégories, les villages pauvres et les villages riches, ce dernier adjectif indiquant simplement que la vie y est moins difficile que chez les premiers.
Les villages pauvres jalonnent la périphérie. Ils possèdent rarement des terres irriguées et manquent parfois d'eau pour les besoins domestiques. On les rencontre sur les terrains volcaniques qui couvrent les premières pentes du massif montagneux. La vie y est si difficile que les indigènes tendent à les abandonner.
Ces misérables agglomérations bordent le pied de la montagne et forment, en quelque sorte, façade vers l'Est et vers le Sud-Est. On ne saurait y voir un plan de la part des habitants, mais cet étalage de pauvreté n'invite pas à monter vers les pentes de l'Hermon dans l'espoir d'un pillage productif.
En pénétrant dans la montagne, on découvre cependant des villages jouissant d'un certain bien-être et dont les possibilités d'irrigation commandent les sites. Un premier groupe comprend les villages de la haute vallée de l'ouadi al-ʾAʿwaj. Ils se sont établis de préférence sur des versants ensoleillés et abrités du vent du Nord à une altitude variant de 1.100 à 1.300 mètres. Les maisons occupent les terrasses et les pentes douces qui dominent les gorges où le torrent se précipite.
Nul souci de défense dans le choix du site ni dans la disposition des maisons. On y vit isolé de la plaine et des autres cantons de la montagne. Les produits des champs et le lait des chèvres suffisent à l'existence. Longtemps cette agglomération ne fut reliée avec Qaṭana, la bourgade la plus proche, que par un sentier muletier impraticable à la mauvaise saison. En 1929 seulement, on traça une route pour autos légères.
Un second groupe de villages se trouve au pied des hautes croupes qui s'opposent au passage des nuées venant de la Méditerranée et de la Galilée. Il reçoit des pluies assez abondantes pour que l'on puisse y cultiver l'olivier, la vigne, le figuier et le blé sans irriguer. Ces conditions climatiques délient les villages de l'obligation de s'établir en fonction d'un réseau de dérivations. Ainsi Jabata al-Zayt جباتا الزيت ne possède aucune source et ne compte que sur ses citernes pour le boisson. Si la réserve d'eau est insuffisante, les femmes descendent au ruisseau le plus proche, à 100 mètres environ en contre-bas du village.
Ce second groupe présente la même volonté d'isolement que le premier. Il faut juger de leur position non pas en fonction de la route actuelle Bāniās-Qunayṭra de construction récente (1926-1927), mais en fonction des chemins existant à l'époque ottomane et qui, dans la plupart des cas, reproduisaient le réseau routier de l'époque mamelouke.
La route actuelle contourne le massif montagneux, mais le longe de plus près en empruntant la vallée du Šarīʿa (شريعة المناذرة = نهر اليرموك). On se rend aux villages de l'Hermon en quittant cette route: une piste pour autos conduit à Majdal Šams مجدل شمس - centre administratif de la région -, et des sentiers muletiers aux autres localités.
On ne saurait étudier ce groupe de villages sans signaler Bāniās (Césarée de Philippe) qui, par sa position et par son château croisé, est à beaucoup près l'agglomération la plus connue de la région. Sans doute, du point de vue physique, Bāniās appartient à l'Hermon: ses maisons grimpent sur les premières pentes de la montagne. En fait, Il est plus juste de le considérer comme le dernier village de la plaine du Ḥūla الحولة.
Druzes et chrétiens peuplent en majorité l'Hermon, Bāniās ne compte que des sunnites. Les villages de la montagne reçoivent d'ordinaire peu d'eau d'irrigation, Bāniās est si privilégié que l'on y arrose les jardins chaque jour. La population de l'Hermon se cache et vit à l'écart des voies de communications, Bāniās fut de tous temps un point de passage. Alors que les groupements voisins vivent repliés sur eux-mêmes, la population de Bāniās participe à la circulation qui unit l"Hermon et le Ḥūla au Liban méridional; les coutumes locales disparaissent et s'il reste encore un tombeau vénéré sous un bel "arbre vert", les musulmanes s'adressent pour leurs robes de fête aux bonnes couturières de Marjaʿyūn مرجعيون.
Richard Thoumin. Géographie humaine de la Syrie Centrale. Tours, Arnault et Cie 1936.