Friday, September 1, 2023

ʿAli bey al-ʾAṭraš

 



14 juin 1926. 

Imtān امتان est une grosse agglomération d'environ quatre mille habitants en temps normal; l'eau y est abondante et plusieurs maisons ont un aspect confortable; dans la campagne, les champs de blé et d'orge s'étendent loin en tous sens; pays riche, fournisseur de grains des habitants de la montagne et des tribus bédouines du désert.    

Aujourd'hui, rien ne bouge dans le village; pas un habitant dans les maisons, pas un animal dans les écuries, pas même un chien dans les rues; toute la population a fui de l'autre côté de la frontière.



Un ami des aviateurs français 

Le cheikh de l'endroit, ʿAli bey al-ʾAṭraš, est un orphelin de treize ans; trop jeune pour gérer lui-même sa fortune que l'on dit considérable, l'enfant vit sous la tutelle de son oncle Salāma, farouchement acquis à la révolution et grand admirateur de Sulṭān. La famille campe sur le sol transjordanien, à al-ʾAzraq, où les autorités locales ont pour elle beaucoup de considération.

Au début de l'insurrection, le jeune ʿAli bey a sauvé de la mort deux de nos aviateurs; ceux-ci, obligés d'atterrir à côté du village, leur moteur fonctionnant mal, la population les entourait déjà et menaçait de leur faire un mauvais parti, lorsque le jeune cheikh les pris sous sa protection et les conduisit dans sa maison, où les lois de l'hospitalité druze les mettaient à l'abri de tout danger.   

ʿAli bey sut non seulement résister au fanatisme des villageois, mais encore aux injonctions de Sulṭān, lequel demanda à plusieurs reprises à son cousin de lui livrer les captifs; mais à chaque fois les envoyés du chef de guerre s'en retournèrent les mains vides. Les sous-officiers aviateurs furent traités avec bonté; ʿAli bey veillait à leur sécurité et, lorsqu'il s'absentait, ses sœurs montaient la garde devant leur chambre pour que personne n'y puisse pénétrer. Deux mois plus tard, ils furent échangés contre des insurgés druzes faits prisonniers par nos troupes. 

En reconnaissance de cette touchante hospitalité, le village ne fut jamais bombardé par les aviateurs, et, aujourd'hui que la colonne y stationne, ordre est donné de respecter les habitations, pourtant abandonnées. 

Les rebelles n'ont pas eu les mêmes scrupules, puisque les cavaliers insurgés, mis en fuite tout à l'heure par les partisans, ont saccagé le village, massacré les chiens et la basse-cour d'ʿAli bey et pillé ses appartements, preuve que Sulṭān n'a pas pardonné au cheikh enfant sa mansuétude à l'égard des aviateurs français.    

Cette conduite des révolutionnaires fait l'objet d'une lettre, envoyée à ʿAli bey, pour qu'il sache bien que ce n'est pas nous qui avons saccagé sa demeure, mais les rebelles druzes. Assurance lui est donnée que les Français sont et seront toujours ses amis, en reconnaissance de ce qu'il a fait pour deux d'entre eux.










Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.

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