4 Août 1926.
Les insurgés, peu visibles dans leurs costumes noirs, et abrités dans des trous, ou derrière des rochers, font une guérilla difficile à contrebattre; mais nos auxiliaires luttent avec acharnement, sautent de rocher en rocher, s'embusquent pour tirer et progressent malgré tout; ils sont tout simplement admirables et dire qu'il y a trois mois à peine, sous Soueida, ils agissaient contre nous avec le même entrain et le même courage.
La flanc-garde de gauche est à peu près tranquille, mais par contre sa sœur de droite est à rude épreuve; c'est sur elle que se porte tout l'effort de l'adversaire. La bande ʿIzz ad-Dīn al-Ḥalabi, venue de l'Ouadi al-Liwāʾ, l'attaque avec violence.
Les aviateurs font des prodiges; sans se soucier des projectiles qui pourraient endommager leurs appareils et les faire s'écraser au sol, ils volent bas pour mieux repérer les rebelles dans les rochers, les arrosent de leurs bombes et de leurs feux de mitrailleuses.
Le combat dure deux heures seulement, mais il est très violent. L'adversaire avec ses trieur d'élite est difficile à déloger des rochers qu'il occupe, mais devant le beau courage de nos soldats et le harcèlement continuel de nos aviateurs, il se retire peu à peu en se dispersant dans les laves, et bientôt un calme impressionnant succède à la tempête de tout à l'heure.
La colonne se remet en marche et arrive à Najrān, où les notables l'attendent à l'entrée du village. Dans l'après-midi, des délégations de notables des villages Rīmat al-Fuẖūr et Ahiré déclarent que les populations qu'elles représentent sont prêtes à se soumettre, et Muḥammad bey Azan (ʿAzzām ? عزّام) cheikh d'Ahiré et âme de la résistance au Lajāt, se rend sans condition.
5 Août.
De très bonne heure, la colonne se porte plus avant à l'intérieur du Lajāt. Le terrain est plus chaotique encore que celui de la veille, la piste, très sinueuse, passe au milieu d'innombrables tas de pierres, tombeaux élevés à la mémoire de Druzes assassinés par les bédouins pillards.
Avant d'entrer à Ahiré, on pénètre dans un vaste cirque, sur le bord nord duquel se détache une coupole blanche au milieu de quelques arbres verts, c'est le tombeau de Saʿīd ʿAmmār, thaumaturge vénéré, aussi bien chez les Druzes que les musulmans, lieu de pèlerinage où l'on vient en foule à certaines époques de l'année; le site ne manque pas de poésie dans ce Lajāt si sauvage.
Ahiré (ʿArīqa عريقة تلّ عمّار) est le point terminus de notre expédition; au delà il n'y a plus de piste pour les voitures, mais seulement des sentiers de piétons s'enchevêtrant et se perdant souvent. Il n'y a surtout pas d'eau et les pauvres familles qui y vivent vont la chercher très loin avec leurs ânes.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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