Le village de Šahba est vide de ses habitants lorsque la colonne y pénètre; son cheikh, Ṭalāl Pāša, que nous ramenons de Soueida, où il a fait sa soumission, trouve sa maison en partie pillée par les gens de Sulṭān. Ses domestiques déclarent que les habitants se sont réfugiés dans les villages voisins lorsqu'ils ont appris que les troupes françaises venaient dans le pays. Ṭalāl envoie des émissaires un peu partout pour ordonner aux familles de rejoindre leurs foyers et, vers la fin de l'après-midi, on aperçoit sur les pistes des groupes d'hommes, porteurs de drapeaux blancs, s'avançant vers Šahba. A leur arrivée, le pāša les rassemble, leur reproche d'être partis et d'avoir laissé les rebelles piller sa maison; puis, comme les hommes sont revenus seuls et sans armes, il les renvoie chercher leurs familles et leurs fusils, pour que ces derniers nous soient remis en gage de soumission.
Šahba est un centre politique important; nous y restons deux jours pendant lesquels quinze villages de la région font leur soumission; toutefois, les populations plus au nord, celle surtout de Wādi al-Liwāʾ, entièrement sous l'emprise d'un farouche xénophobe, le cheikh ʿIzz ad-Dīn al-Ḥalabi, ne se dérangent pas, malgré les avis qui leur sont envoyés. Il sera nécessaire d'y conduire une expédition, mais un peu plus tard, car les derniers renseignements reçus du Maqran Sud indiquent qu'il est urgent de montrer notre force dans cette région.
Afin de bien marquer qu'un gouvernement régulier est rétabli au Jabal, un peloton de partisans sera laissé à Šahba, chef-lieu du caza, en attendant qu'on y puisse installer une garnison régulière, ce qui ne sera possible qu'après les opérations du sud pour lesquelles la totalité des effectifs est nécessaire. Ce peloton de partisans, recruté chez les ʿĀmirs et tenant garnison sur le territoire de cette famille, n'a rien à craindre pour sa sécurité, et cette faible force représentera tout de même l'autorité et le gouvernement de Soueida.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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