Dimanche 9 mai 1926.
Dans l'après-midi, le général Andréa remet la croix d'officier de la Légion d'honneur au cheikh Fāris bey al-ʾAṭraš, oncle de Sulṭān. Ce fidèle ami de la France n'a pas suivi son neveu dans ces agissements criminels; il a préféré quitter son village avec son fils aîné et se mettre à notre disposition et sous notre protection, dès le début de l'insurrection.
A notre arrivée en Syrie, Fāris bey se déclare publiquement pour nous; l'émir Fayṣal, a cette époque tout puissant à Damas, lui offre de l'argent et le titre de pāša s'il se rallie à l'État arabe, alors en gestation; Fāris refuse et est emprisonné. Le colonel Lawrence le voit et lui demande de servir l'Angleterre, moyennant quoi il recevra un bon traitement et ses fils seront dirigés sur Londres pour y faire leurs études; Fāris refuse encore et envoie son fils aîné à Paris.
Plus tard, Sulṭān al-ʾAṭraš lui-même essaye, mais en vain, de faire changer d'avis son parent. Devant la résolution de Fāris de rester fidèle à son amitié pour la France, le chef de la révolution druze, qui appelle son oncle "le père des Français", lui suscite toutes sortes d'ennuis; réquisitionne ses chevaux, son bétail, ses chameaux; confisque certaines de ses propriétés, et, malgré tout, Fāris bey reste à nos côtés.
Cet honnête homme mérite bien la rosette de la Légion d'honneur décernée par le gouvernement français. La remise de la croix se fait avec solennité, en présence d'officiers français et de l'escadron druze nouvellement formé, lequel rend les honneurs. Le général, dans une courte allocution, traduite sur-le-champ par un interprète, fait ressortir que la France n'est jamais ingrate envers ceux qui lui sont fidèles; il épingle le croix sur la poitrine de Fāris bey et lui donne l'accolade. Le récipiendaire est vivement félicité par ses pairs et les officiers présents; puis l'escadron druze défile fièrement devant lui. Fāris bey, ému et les larmes aux yeux, exprime au général sa reconnaissance et son indéfectible attachement à la France.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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