Sunday, August 13, 2023

Šahba

 


 A l'aube du 16 mai 1926, la colonne se remet en marche vers Šahba.

La piste est bien meilleure que celle de la veille, mais il faut monter à douze cents mètres d'altitude, jusqu'au col débouchant sur le plateau de Šahba. La pente est très raide, il fait chaud, les hommes suent à grosses gouttes, les animaux sont couverts d'écume et cependant la marche n'est qu'un jeu à côté de celle d'hier.  

Les partisans druzes et les spahis marocains, lancés en avant, franchissent le col est sont tout de suite soumis à la fusillade de rebelles tenant une crête sur la droite; deux canons, hissés sur le plateau, bombardent vigoureusement l'adversaire, après quoi, cavaliers marocains et druzes chargent au galop sur les insurgés, lesquels s'enfuient par des sentiers de rocaille, laissant entre nos mains quatre prisonniers légèrement blessés. Nous ne verrons plus de rebelles de la journée. 

Sur le plateau de Šahba, c'est un enchantement; le pays change totalement d'aspect avec celui que nous venons de parcourir; à droite, de longues ondulations arrondies couvertes de champs cultivés, reposent des rochers, des murs en pierres sèches et des cailloux, qui ont constitué notre horizon jusqu'ici; devant nous, une immense prairie verte, sur laquelle les unités, débouchant du col, évoluent comme sur un champ de manœuvre. A gauche, une haute et vieille enceinte romaine borde le chemin sur près d'un kilomètre; en son milieu, une très belle porte à arcades, encore bien conservée, donne accès à l'intérieur sur une majestueuse voie dallée de vingt mètres de largeur.  

Aujourd'hui, sur cette allée, et comme autrefois les légions romaines, Français et indigènes de l'expédition de Šahba défilent avec la fière allure que donne le succès; partisans druzes et chameliers hauranais participent eux aussi à l'allégresse générale, en chantant leurs mélopées, tout en avançant sur cette voie de pierre, construite par une autre civilisation. Ce n'est qu'admiration générale devant ces prodigieux restes, témoins d'une grandeur passée.











Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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