ʿĀdil ʾArslān |
Deux bandes d'insurgés parcourent la montagne de Šahba: l'une de trois cents hommes opère au nord de Qanawāt, l'autre, moins forte, agit au sud de ce même village. Ces groupements menacent les villageois parlant de soumission et obligent les jeunes hommes à se joindre à eux en vue d'attaquer la colonne française, annoncée comme devant se rendre à Šahba. Par tous les moyens, les chefs de la révolte cherchent à ranimer le courage défaillant des Druzes; lettres et tracts sont affichés dans les villages pour que l'on en prenne connaissance. En voici un échantillon rapporté par un de nos émissaires:
"A nos cousins les beys, cheikhs, et notables, ainsi qu'aux braves Druzes du Jabal,
"Salutations.
"Vous n'ignorez pas que l'ennemi est rentré à Soueida, où il a détruit les maisons et ravagé les récoltes; il cherche par là l'anéantissement du peuple druze. Cet ennemi a décidé de visiter tous les villages et d'y commettre les mêmes exactions; il sortira avec tout son matériel de guerre, renverra de leurs foyers les femmes et les enfants et sèmera la ruine partout.
"Vous n'aurez plus de pays; vous serez comme les Arméniens et vous périrez de faim et de froid dans le désert. A ce moment-là, vous vous repentirez; mais le repentir ne servira plus.
"Voilà la fin qui vous est réservée, si vous continuez votre façon de faire.
"Vous devez répondre à l'appel des gens qui vous ordonnent de partir à l'aide.
"L'honneur de vos ancêtres, le sang déjà versé au service de la cause druze, vous commandent de partir au secours de la patrie. Il faut rejoindre les braves du Jabal et vous battre aux côtés de vos frères, les bani-Maʿrūf بني معروف (Druzes), contre l'ennemie commun.
"Il faut l'empêcher d'aller dans les villages.
"Nous attendons votre aide, ô gens d'honneur et de cœur.
"Au secours de la religion, au secours de l'honneur.
"Signé: Sulṭān al-ʾAṭraš et ʿAbdul Ġaffār pāša."
A ces tracts des cheikhs insurgés, les chefs al-ʾAṭraš soumis répondent par la lettre ci-dessous adressée aux étrangers, organisateurs de la révolte druze:
"Au docteur Šahbandar, à l'émir ʾArslān,
"Vous persistez dans votre erreur et vous continuez à sacrifier tout un peuple pour atteindre le but que vous vous êtes fixé. Vous avez usé de toute l'habileté dont vous êtes doués pour entraîner dans un faux chemin notre peuple druze. Vous avez, aux dépens des Druzes, gagné des sommes énormes avec lesquelles vous achetez leur sang et leur misère.
"Allez-vous continuer longtemps à endormir notre peuple, et le conduire vers sa ruine complète. Les troupes françaises ont pénétré au Jabal et, au lieu d'user de rigueur, elles se montrent au contraire bienveillantes.
"Vos pays, Damas et le Liban, vous ont rejetés et vous venez chez nous jouer votre horrible rôle. Vous n'êtes que des loups et des razziateurs Vous mettez dans votre poche l'argent que l'on vous a envoyé pour secourir les misères au Jabal, et vous assurez votre avenir alors que vous abandonnerez notre pays lorsqu'il sera tout en ruines.
"Laissez les Druzes revenir dans leurs foyers, laissez tranquille ce peuple si aveugle.
"Partez.
"Signé: Fāris bey al-ʾAṭraš, ʾIbrāhīm bey, Sulaymān Bey (*)."
(*) Trois féodaux al-ʾAṭraš.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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