Le haut commissaire de la République française, M. de Jouvenel, arrive à Soueida, dans la matinée du 23 mai 1926, accompagné de MM. Pierre Alype, envoyé extraordinaire auprès du gouvernement de Damas, Périer de Féral, délégué adjoint, et du colonel Catroux, directeur du service des renseignements. Revue des troupes, remise de décorations, présentation des officiers au haut commissaire qui les remercie, au nom de la France pour leur dévouement, les félicite pour les succès déjà obtenus et les assure de sa sympathie et de son admiration.
M. de Jouvenel se rend ensuite sur la place centrale de la ville où est dressée une tente ornée de drapeaux français, en face de laquelle sont rangés les cheikhs et notables ayant fait leur soumission. Salutations d'usage et le cheikh religieux, Maḥmūd abu Faẖr, prenant la parole, s'adresse au haut commissaire à peu près en ces termes:
"Nous saluons, en vous, la France, et nous vous saluons aussi personnellement. Nous nous félicitons d'être sortis des griffes des étrangers, car vous n'ignorez pas que la révolution présente est leur œuvre.
"Quand les Français sont venus en Syrie, les Druzes ont été les premiers à leur tendre la main; puis, les intrigues nouées à Damas, en Transjordanie et ailleurs ont été importées chez nous. Les cheikhs druzes les ont malheureusement écoutées et le peuple a suivi.
"Nous reconnaissons nos torts, mais nous avons été trompés et mal conseillés par certains de nos chefs, qui, aujourd'hui encore, par intérêt personnel, persistent dans la mauvaise voie.
"Nous implorons la mansuétude de la France, toujours généreuse, et nous espérons qu'elle saura pardonner à des malheureux ignorants égarés par des ambitieux."
Avec fermeté, le haut commissaire rappelle aux cheikhs que, depuis son arrivée en Syrie, il a essayé, par tous les moyens, d'obtenir une solution pacifique, allant jusqu'à l'extrême limite des concessions qu'il pouvait faire; mais que, malheureusement, ses paroles n'ont pas été entendues. Maintenant, c'est la guerre; et, bon gré, mal gré, il faudra que le Jabal se soumette.
Il sait que les Druzes sont des gens laborieux et qu'ils se sont laissés entraîner à la révolte par des étrangers et quelques-uns de leurs cheikhs payés par ces étrangers; mais il est grand temps que tout le monde revienne à la raison et que les gens d'ordre chassent ceux qui les ont trompés. C'est la meilleure façon d'obtenir le pardon de la France qui, comme une mère bienveillante pour ses enfants égarés, oubliera les erreurs passées, à condition que tous se soumettent loyalement.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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