Thursday, August 31, 2023

La situation dans le Maqran sud

 

Rašīd Ṭalīʿ

12 juin 1926. 


 Un émissaire, rentré à Ṣalẖad, rapporte que les chefs insurgés, Druzes et Damascains, se sont réunis dans un moulin proche du village d'al-Huwayya الهويّا, sous la présidence d'un personnage mystérieux venu de Transjordanie et dénommé Rašīd Ṭalīʿ. Au cours de la réunion, on s'est lamenté sur la chute de Ṣalẖad et certains chefs découragés ont envisagé une soumission générale, mais l'envoyé transjordanien a réussi à ramener la majorité de l'assemblée à l'idée de la continuation de la lutte. 

Toutefois, il a été décidé que l'on éviterait d'attaquer les colonnes françaises, trop fortes et trop puissamment armées pour espérer un succès, et que l'on maintiendrait le pays en état d'insurrection avec quelques centaines de cavaliers chargés de prendre des sanctions contre les individus et les villages suspects de modérantisme.    

Rašīd Ṭalīʿ a confirmé le bruit, déjà répandu par Sulṭān, que le Hauran allait se soulever et que les Druzes ne devaient pas désespérer du succès final. Il a fait signer par les cheikhs présents une  maẓbaṭa (supplique) destinée, a-t-il dit, au roi de Transjordanie, dans laquelle il est demandé qu'une puissance, autre que la France, soit chargée du mandat syrien. 

Le programme terroriste élaboré au cours de la réunion d'al-Huwayya est aussitôt mis en application: à ʿAnz عنز, la maison de l'oncle de Sulṭān, Ḥusayn Pāša qui s'est soumis, est incendiée et ses chevaux et troupeaux confisqués; la même mesure est prise contre Ḥasan al-ʾAṭraš, cousin de Ḥusayn, pour le punir de s'être soumis lui aussi. Des pillages sont fréquemment commis dans les villages et le butin, envoyé en Transjordanie, est vendu sur les marchés, aux profit des rebelles, dont les familles campent à al- ʾAzraq avec l'autorisation des autorités transjordaniennes. 

Les insurgés druzes trouvent donc, de l'autre côté de la frontière, une sympathie non dissimulée et des facilités de ravitaillement en armes et en munitions; les cheikhs dissidents du Hauran, commeʾ Ismāʿīl al-Ḥarīri par exemple, y ont toute liberté pour conspirer et organiser le soulèvement de leur province; situation anormale, dont il est rendu compte au Haut Commissariat de Beyrouth.











Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.

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