Monday, November 21, 2022

Apothéose de Moïse

 


 La suite des tableaux nous conduit au panneau situé au-dessus de la niche centrale, au milieu du mur du fond et tout en haut. La peinture exécutée ici a certainement une très grande importance, car, dans les temples païens, c'est la place d'honneur, réservée à la figuration de la divinité ou des divinités.


Cet emplacement paraît avoir été occupé d'abord par un sujet décoratif, que nous avons nommé le tableau de la vigne symbolique. Par la suite, sans doute à la fin des travaux, les Juifs y ont fait peindre des scènes, entre autres, la composition étudiée ici; le tableau paraît avoir été fort discuté, peut-être plusieurs fois remanié et finalement recouvert de nouveau de pampres de vigne qui le dissimulaient plus ou moins.

L'apothéose de Moïse, venant après la grande frise de la sortie d'Égypte, et encadré par les tableaux de Moïse et le Buisson Ardent et de Moïse en Sinaï - serait-ce un hasard? -, ne pouvait se trouver mieux en place. Nous l'étudions ici pour cette raison. 

Le fond est rouge vif. Le personnage du centre assis sur un trône, avec un esacbeau sous les pieds, est vêtu du costume perse, atuellement à peu près noir.

Sur les côtés du trône, au bas du tableau, deux personnages se tiennent debout, en robe blanche, les cheveux plats, les jambes nues. L'un et l'autre ont été recouverts de feuilles et de ceps de vigne. Il semble qu'on ait mis du soin à les faire disparaître. Ce groupe central est entouré de personnages debout, de face, vêtus en costumes perses. Dix ou onze de ces figures sont encore visibles, mais d'après la symétrie, on juge qu'il y en avait primitivement douze au moins. Tous ces personnages ont été dissimulés sous des branches de vignes peintes en vert ou noir. Si ces personnages sont vraiment au nombre de douze, il est bien probable qu'ils figurent les tribus d'Israël.

En resumé nous avons donc très probablement un roi ou un personnage assimilé à un roi, avec deux assesseurs en blanc; il paraît trôner au milieu des douze tribus d'Israël. Si le peintre a représenté ici Moïse, il a pu s'inspirer d'une scène que l'Exode (XVIII, 13-16) place avant les épisodes du Sinaï:

Le lendemain, Moïse s'assit pour juger le peuple, et le peuple se tint devant lui depuis le matin jusqu'au soir.
Le beau-père de Moïse vit tout ce qu'il faisait pour le peuple, et il dit: Que fais-tu là avec ce peuple? Pourquoi sièges-tu seul, et tout le peuple se tient-il devant toi, depuis le matin jusqu'au soir?
Moïse répondit à son beau-père: C'est que le peuple vient à moi pour consulter Dieu.

Les deux acolytes en blanc ne seraient-ils pas Aaron et Ḥūr, qui, aux côtés de Moïse, soutenaient ses mains pendant le combat contre les Amalécites (Exode, XVII, 10-12). 

On s'étonnera sans doute que Moïse, partout ailleurs en costume grec, puisse être ici en costume royale perse. Le peintre aurait rompu avec la convention instituée par ses prédécesseurs et aurait attribué le costume royal à Moïse pour l'exalter davantage. Le geste plein de majesté se retrouve dans les figures impériales et celle du Christ sur le calice d'Antioche

La composition aurait déplu parce que Moïse avait par trop l'aspect d'une divinité. On a l'impression d'une image exposés aux adorations. Cette défaveur semble bien attestée par la vigne peinte sur le tableau.

Nous acceptons cette hypothèse. Nous devons noter toutefois qu'il en existe une autre plus hardie: c'est que le roi du centre ne serait autre que Yahvé lui-même, parfois comparé à un roi sur son trône. Cette figure, jugée sacrilège, aurait été condamnée par l'opinion juive est recouverte.







Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.

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