Saturday, November 26, 2022

Orphée (David?) à Doura-Europos

 


 Vers l'angle supérieur gauche du tableau, on reconnaît Orphée assis de face. Il est vêtu du costume perse; sur sa tête, il porte un bonnet phrygien rouge. La tête est très légèrement tournée vers la droite. De sa main gauche, Orphée tient sa lyre, qu'il pince de la droite. 


La vigne dont nous avons parlé cache en grande partie le bas du corps d'Orphée et passe même sur la lyre. Les animaux peints en avant sont cachés au point d'être parfois difficiles à distinguer. La lionne passant, peinte en jaune d'or et blanc, est seule bien visible. Elle est posée sur un sol. Devant elle, il semble qu'il y ait eu un petit animal assis, de teinte violacée; on a proposé d'y voir un singe, une hyène, un ours ou même un chien; à la vérité, la vigne est fort touffue à cet endroit. Les oiseaux peints en arrière se devinent mieux sous les feuillages et la peinture rouge dont on les a couverts. 

Cette représentation d'Orphée a été considérée comme le plus éclatant témoignage d'un esprit de libéralisme chez les artistes de la synagogue. En réalité, la pensée du peintre, ou des rabbins qui l'ont dirigé, est difficile à saisir. On s'est demandé si, sous l'influence de l'orphisme, très en vogue à cette époque, même dans les milieux juifs, les rabbins de Doura n'avaient pas voulu associer réellement Orphée aux héros du Judaïsme. 

Mais une autre explication a été proposée. Sous les traits d'Orphée ne pourrait-on reconnaître David s'accompagnant sur la lyre?

Dans les anciens psautiers grecs, qui reflètent des traditions iconographiques de beaucoup antérieures, David apparaît sous les traits d'un berger, vêtu en costume grec, assis de face; il joue d'un lyre à nombreuses cordes, au milieux de son troupeau de moutons et de chèvres, tandis que son chien est assis à côté de lui. Ainsi présenté, le sujet devenait singulièrement voisin de celui d'Orphée au milieu des animaux sauvages.

Cette contamination d'une image par une autre (Orphée ne chante pas les animaux, mais il les charme) ne saurait cependant se justifier que si l'artiste admettait un rapport entre David et Orphée. Quelle justification pouvait-on donner à la substitution de l'image d'Orphée à celle de David? 

Nous préférons chercher une allusion à David charmant l'univers par sa poésie et sa musique. La peinture de Doura ainsi comprise, on y trouvera une allusion à l'ensemble des psaumes qui se lisent et qui se chantent dans la synagogue. La scène prend de cette manière une signification liturgique en rapport avec les scènes inférieures et avec tout le registre.





Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.


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