Saturday, August 28, 2021

Jamīl Mardam Bey


Je descends vers la place; les manifestants ont été dispersés. Dans les rues, rideaux de fers baissés, gendarmerie à cheval. Dans les sūqs, attroupements, bagarres, patrouilles. 

Effrayée, je rebrousse chemin et me heurte sur la place Marjā à un groupe vociférant. Il porte, clouée sur une longue perche, la photographie agrandie de notre ami Jamīl Mardam Bey, le subtil, élégant diplomate, venu cet hiver à paris, signer l'accord franco-syrien. 

- À mort! à mort! le traître! sa tête!

Grand Dieu! Je chancelle. Est-ce que Damas redeviendrait le Dimašq de la Bible "de sang arrosé"?

- Ne restez pas ici! Sauvez-vous! On tue dans la ville. Nous aurons la révolution, et après - avec un gracieux sourire- après, le royaume arabe, ʾinšāʾallāh!

Je cours à ma chambre, empoigne ma valise, saute dans une auto en partance pour Bayrūt. Derrière nous, on entend des coups de canon. Le chauffeur accélère notre fuite....

Puis, un lumineux silence dans une douceur de paix. Des ruisseaux coulent au long de la route. Les abricotiers sont en fleurs. 

Ô Damas, Damas ville de mon cœur, te reverrai-je jamais?

Et, me retournant une dernière fois vers la cité invisible, de toute mon âme fervente je prie:

"Qu'allāh sauvegarde le Jardin de l'Islam!"

"Āmīn! Āmīn! Āmīn! chuchotent les peupliers. 



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