Saturday, August 14, 2021

Muḥammad ʿAlī al-ʿAbid


 

Entre le président de la République, l'homme le plus aimable et le plus courtois. Vêtu d'un impeccable complet de flanelle blanche, coiffé du fez qui semble assorti à la rosette de sa boutonnière, il s'incline galamment sur ma main tandis que les autres visiteuses se précipitent sur la sienne. 

- Toute la différence entre nos deux vies! dit la dame au tiers de mari. Chez vous, l'homme baise la main de la femme; chez nous, c'est la femme qui baise la main de l'homme. 

- Mais, Excellence, vous est-il permis de pénétrer sans autres façons dans le harem?

- Je pourrais arguer de mon droit de chef de l'État. Le Sultan "Ombre de Dieu sur la terre", était autorisé à dévoiler toutes les femmes...Mais ces dernières visiteuses sont nos parentes et, d'ailleurs, d'âges canonique. 

- Maintenant que vous êtes quelque chose de calife de Syrie, vous allez affranchir les femmes? 

Laylā, irrévérencieuseument, éclate de rire:

- Ah! vous tombez bien! papa le plus tolérant des hommes est devenu le plus rétrograde des tyrans depuis qu'il est président de la République. Avant, il partageait nos idées, il aspirait à l'évolution de la femme. Maintenant, il ne veut plus que nous sortions à pied, que je porte des robes décolletées, que je soulève seulement un pan de mon voile pour respirer. La clôture! vous dis-je, la clôture! 

- Oui, oui, fait de la tête, sa mère. 

Le Président sourit avec mansuétude. On sent qu'il adore sa fille qui le traite en papa européen. 

- Hier, je n'étais responsable que de moi-même; aujourd'hui, je dépends de toutes les âmes musulmanes. La race arabe est profondément religieuse: pourquoi la heurter? Très attachée à ses traditions: pourquoi les détruire? Et détruites, par quoi les remplacer? Sommes-nous certains que la femme civilisée soit plus heureuse que la femme musulmane? Et si elle l'était, savons-nous si son bonheur s'adapte à l'instinct et à la morale arabes? Il ne faut rien brusquer, il faut laisser faire le temps... et la force des choses.  

- Non, papa! on n'obtient rien avec les demi-mesures. Si, toi, tu donnais l'exemple, on te suivrait. Au fond, les Syriens voudraient qu'on leur impose de force un progrès qu'ils souhaitent, mais dont ils redoutent d'assumer la responsabilité. 



Myriam Harry. Damas, jardin de l'Islam. J. Ferenczi & Fils 1948. 


Myriam Harry


Dix ans après


Noël islamique sous le Mandat Français


Visite au harem présidentiel


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