Monday, August 2, 2021

Du Caire à Damas

 

L'après-midi, destiné encore à d'autres visites scolaires, cette fois dans une voiture de louage en compagnie de Laṭifā H̱ānum, inspectrices des écoles de filles.


Elle me paraît plus ennuyée que moi, et si nous avions osé, nous serions restées à nous chauffer devant le poêle de l'Hôtel.

- Qu'est-ce que vous lui trouvez donc à ce Damas, vous qui êtes de Paris?  Moi qui suis native du Liban, et viens du Caire, je trouve cette ville affreuse. Une ville? non pas. Un village, un grand village de sauvages et de punaises...

Et elle retombe dans son maussade silence. Nous cahotons sur un pavé abominable sous des loggias de pisé  qui se rejoignent  presqu'au-dessus de la rue et laissent pendre des tremblotants fils électriques piqués dans leurs poutres de peupliers. 

- Comment voulez-vous que Damas ne brûle pas avec ça? Du méchant bois, de la boue et de l'eau. Et que ne chante-t-on sur les splendeurs de cette ville! Si j'avais pu me douter de la vérité, je n'aurais jamais quitté le Caire! Mais les leaders des nationalistes arabes sont venus me supplier. Ils veulent que leurs filles aillent à l'école et que ces écoles soient organisées selon la mode européenne. Ils voulaient me loger près de la grande mosquée... Comment! Vous aimez ce quartier?  C'est pour vous moquer de moi que vous me dites ça! ... Moi, je serais morte près de leur Baradā. J'ai exigé un appartement dans une maison moderne, en haut de Ṣāliḥīyā. 

Nous tourniquions dans un quartier désert, silencieux et barbare, habité seulement de-ci de-là d'un petit minaret penché ou d'un santon s'effritant sous un vieux saule pleureur. Un quartier pauvre, sans doute?

- Oui. Jamais les musulmans riches n'enverraient leurs filles dans une école arabe. Elles sont élevées par les religieuses françaises ou italiennes.





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