Les sūqs سوق sont, en définitives, la principale raison d'être de l'agglomération; c'est la partie essentielle de la ville, "la cité" (al-Mdīna المدينة), par opposition aux quartiers d'habitation (al-balad البلد). Elle est occupée intégralement par les boutiques des commerçants et des artisans, qui se groupent là d'une manière exclusive: c'est donc aux sūqs que la population de la ville tout entière doit se fournir d'objects manufacturés. Ils présentent l'aspect d'un faisceau de rues parallèles, fermées à chaque extrémité par une porte et occupées chacune par un seul et même corps de métier. Sur ces rues ouvrent des marchés clos et couverts, des "basiliques" (qaysārīya قيساريّة), qui jouent le rôle de bourse (qaysārīya des marhands d'étoffe قماش et qaysārīya des changeurs الصرف), et des ẖāns خان (funduq فندق) destinés au commerce d'importation et d'exportation, en rapport immédiat avec le commerce de détail des sūqs.
Cet ensemble trouve naturellement sa place au point même qu'occupait aux époques antérieures le centre commercial de la ville: c'est sur l'eplacement de la grande artère romaine à colonnades latérales que se développe le faisceau des sūqs. Mais l'aspect de ceux-ci n'a que des rapports bien lointains avec l'ordonnance antique, avec ses boutiques spacieuses, régulièrement distribuées sous des colonnades monumentales, et sa large chaussée centrale réservée à la circulation des animaux. Il n'y a plus la que des ruelles vaguement rectilignes, larges de 1 à 3 mètres, couvertes à l'occasion de nattes, de planches, ou d'un toit de terre battue, non pavées, et bordées de chaque côté d'échoppes minuscules, dont les dimensions peuvent ne pas dépasser celles d'un placard. Elles servent à la fois de lieu d'échange et d'organe de circulation, souvent même d'atelier, et on y voit s'y bousculer en une invraisemblable cohue: acheteurs, passants, marchands ambulants, crieurs d'enchères, mendiants, portefaix et bête de somme. Tout se passe, en somme, comme si l'avenue antique, réduite d'échelle et comprimée latéralement jusqu'à élimination de la chaussée et des colonnades, s'était atrophiée.
Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.
Yahia, Fouad. Inventaire archéologique des caravansérails de Damas. Présenté par Fouad Yahia; Sous la direction de Solange Ory. Th. Doctorale: Archéologie islamique: Université de Provence, Aix-Marseille I: [1978].
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