Monday, June 13, 2022

Damas médiévale

 


 Les ʾUmayyādes déchus, les circonstances historiques modifient et accélèrent à la fois l'évolution de la ville.

Durant trois siècles d'anarchie, le facteur primordial de l'évolution urbaine est l'insécurité, sous toutes ses formes: il faut entendre par là non pas une crise comme celle que provoque la guerre, mais bien une insécurité latente et permanente, chronique en quelque sorte, résultant dans une large mesure du mécanisme même de l'État.

Cette insécurité provoque une réaction des petites gens: sans autre garantie que l'illusoire protection de la législation qurʾānique, sans autre recours légal contre les injustices qu'un aléatoire appel auprès du calife, toujours éloigné et pour ainsi dire inaccessible, ils demeurent livrés à l'arbitraire. Leur seul moyen de défense sera l'entr'aide: en se groupant suivant leurs affinités religieuses, ethniques, et surtout professionnelles, ils peuvent protéger au besoin par la force leurs vies et leurs biens, mieux encore: acheter à prix d'or les intercessions et les complaisances qui soulageront un peu leur sort. Ce développement de l'esprit d'association se traduit en particulier par une recrudescence de la vie corporative, sans doute une survivance de l'organisation romaine et byzantine: chaque individu, y compris les mendiants et les prostituées, appartient désormais à un corps de métier pourvu de règlements qui protègent ses membres contre la concurrence déloyale et assure aux sinistrés et aux chômeurs, sous la surveillance d'un chef qui sert en outre d'intermédiaire dans les relations avec le gouvernement.








Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.

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