Saturday, June 18, 2022

Construction de la citadelle

 


 Rien n'est plus caractéristique des tendances nouvelles qui se font jour alors que la construction de la citadelle, bâtie de toutes pièces, sans doute par ʾAtsiz lui-même, sur l'angle nord-ouest de l'enceinte romaine dont elle utilise en partie les fondations et les matériaux. Bien que soigneusement entretenue par les ʾAtābeg, elle fait à partir de 1206 l'objet d'une reconstruction totale, destinée à mettre ses défenses en harmonie avec les progrès de l'art militaire; c'est à cette reconstruction qu'elle doit son aspect actuel: celui d'un vaste rectangle de 220 mètres x 160 mètres, pourvu de deux entrées et flanqué de 13 tours énormes. Une valeur toute spéciale s'attache à elle dans l'économie de la ville. Elle n'est pas seulement, en effet, comme l'acropole antique, le réduit où peuvent se concentrer les ultimes ressources de la défense: elle est avant tout et essentiellement la résidence royale, où sont centralisés autour de la personne du souverain tous les services de l'État. On y trouve, à côté de l'habitation particulière du sultan et de ses dépendances, la salle du trône, les bureaux de l'administration civile et les bureaux militaires, le colombier de la poste aux pigeons, les casernes de la garde, l'arsenal, le trésor, l'hôtel de la monnaie, la prison d'État, et jusqu'à la sépulture provisoire de la famille royale. Il n'y a plus au dehors que le Tribunal, installé, depuis Nūr ad-Dīn, dans un édifice spéciale: le Dār al-ʿAdl (le Palais de justice) situé d'ailleurs à proximité immédiate de la Citadelle. Celle-ci a même, comme la ville, son sūq, ses bains et sa grande-mosquée, où tous ceux qui l'habitent font la prière du vendredi; désormais le sultan ne se rend plus à la Mosquées des ʾUmayyādes qu'à l'occasion des deux Fêtes, pur affirmer d'une façon éclatante sa qualité de chef d'un État musulman et de délégué du calife. - La Citadelle se situe ainsi, en définitive, en dehors de l'agglomération urbaine: comme le Sérail ottoman, avec lequel elle offre les analogies les plus étroites, elle est, en soi, une ville qui se suffit à elle-même, et elle nous reporte à travers l'Iran et l'Asie Centrale jusqu'à la "Cité interdite" des villes chinoises.




Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.





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