Un jour vient où la mosquée bâtie par les conquérants devient insuffisante. Le nombre des musulmans a cru dans une proportion considérable: les tributaires se convertissent un à un, tantôt par conviction, tantôt par ambition, tantôt (c'est le cas de la majorité) pour échapper au paiement du lourd impôt de capitation et à la situation inférieure dans laquelle les relègue l'Islam). À cette communauté plus nombreuse il faut une mosquée qui soit plus vaste, qui fasse aussi moins triste figure en face des splendides églises que possèdent les chrétiens de Syrie.
Lorsque le calife al-Walīd, le grand bâtisseur de la dynastie, décide de procéder à cette transformation, le problème apparaît comme difficile à résoudre: dans la ville, pleine à déborder son enceinte, il n'est plus d'autre terrain nu que l'ancienne agora (où continue à se tenir, chaque dimanche, le marché hebdomadaire), car le téménos du temple a été peu à peu envahi par les maisons des musulmans, qu'attirent la proximité de la mosquée et la faculté de vivre là entre coreligionnaires. Leur fixation dans cette partie de la ville rendrait, par ailleurs, inopportun un transfert de leur lieu de rassemblement. Dans ces conditions, al-Walīd prend la seule décision qui s'impose: au mépris des conventions antérieures, il confisque aux chrétiens l'église de Saint-Jean-Baptiste, leur rendant d'ailleurs en échange plusieurs autres lieux de culte désaffectés; c'est sur cet emplacement contigu à la mosquée primitive qu'il fait bâtir, à partir de 705, l'édifice qu'il voulait digne de la grandeur de son empire, celui qui sera désormais appelé, par excellence: la Mosquée des ʾUmayyādes.
Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.
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