Thursday, June 16, 2022

Évolution sous les ʿAbbāsīdes et les Fāṭimīdes

 


 L'avènement des ʿAbbāsīdes marque pour Damas le début d'une période de déchéance. Le souvenir des ʾUmayyādes est systématiquement proscrit: on démolit leurs palais, on viole les tombeaux des califes pour jeter au vent leurs cendres; si la grande mosquée d'al-Walīd doit au prestige dont elles est entourée d'échapper à la destruction, on y martèle néanmoins les inscriptions de son fondateur, et plus d'un objet d'art qui l'ornait prend le chemin de l'ʿIrāq. Enfin, pour enlever à la population un point d'appui en cas de révolte, on démolit l'enceinte fortifiée. Damas, déchue, honnie, n'est plus qu'une ville de province où se poursuit obscurément, sous l'influence des facteurs qu'on a énumérés, la désagrégation de l'ordonnance antique.


Celle-ci se trouve précipitée, sous la domination des Fāṭimīdes, du fait des incendies allumés accidentellement au cours des émeutes: dans cette agglomération bâtie tout entière en matériaux inflammables, le moindre foyer prend immédiatement les proportions d'une catastrophe, et on rebâtie au hasard sur les ruines, sans coordinations, et sans aucun souci du bien-être général. 

Comme il faut prévoir un retour offensif des ʿAbbāsīdes, on relève le rempart, en béton de terre d'abord, puis en pierre de taille (dixième siècle), mais suivant un tracé nouveau qui ne coïncide plus que par places avec celui de l'enceinte romaine, dont on utilise néanmoins, après remise en état, quatre portes, peut-être même cinq (en particulier celles qui s'ouvraient à chaque extrémité de la grande avenue axiale, mais réduites désormais à l'une de leurs baies latérales, plus étroites et par conséquent plus faciles à défendre). 

Des faubourgs se forment: au nord, al-ʿuqayba العقيبة "la Petite Pente" (ainsi nommé parce qu'il occupe la déclivité qui marque la limite nord de la vallée d'érosion du fleuve); - au sud, aš-Šāġūr الشاغور; - au sud-ouest, à quelque distance de l'agglomération, Qaṣr al-Ḥajjāj قصر الحجّاج, "le château d'al-Ḥajjāj" (du nom d'un prince ʾUmayyāde qui avait là sa résidence). Les uns et les autres croissent spontanément, sans plan directeur, leurs maisons s'alignant sur une mince profondeur le long des chemins qui empruntent les portes de l'enceinte fortifiée.

Au surplus, ce sont là essentiellement des faubourgs de maraîchers, de caractère à demi rurale, et leur existence ne doit pas faire illusion sur la vitalité de la ville, que la dureté des temps et le manque de sollicitude du gouvernement condamnent à végéter dans l'attente de jours meilleurs.




Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.



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